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archives Lucia Popp
Bach – Händel – Telemann
Pour toute une génération de passionnés d’art lyrique, le nom de Lucia Popp évoque les grandes heures du chant viennois d’après-guerre. Le soprano slovaque, décédée prématurément à cinquante-quatre ans d’un cancer, était reconnaissable entre toutes par son timbre chaleureux et sans aspérités, par les aigus faciles et la technique impeccable. En plus, elle possédait la simplicité, et la beauté de sa voix était faite d’émotion pure. La virtuosité de sa Reine de la nuit (rôle dans lequel elle débutait à l’Opéra de Bratislava en 1963) est entrée dans la légende.
Depuis ses premiers emplois de colorature acrobatique, illustrés par un magnifique récital Händel et Mozart (chez EMI), Lucia Popp a évolué patiemment et intelligemment en Susanna (Nozze de Figaro), Sophie (Rosenkavalier), puis dans l’opérette viennoise avec la Rosalinda de Fledermaus où elle excellait, ainsi que l’opéra slave avec une Rusalka de référence. Ce n’est que vers la fin de sa carrière qu’elle s’est attaquée aux grands lyriques, aux rôles plus lourds comme Arabella, La Maréchale, Daphné, Eva, etc. Comment oublier sa Comtesse qu’elle interprétait à l’Opéra Bastille en 1990 avec la toute jeune Cecilia Bartoli en Chérubin ?
Tout au long de sa carrière, cette voix fut idéale pour les Lieder et pour la musique religieuse, avec Bach, Mozart, Haydn, Schubert, entre autres. Enregistré en 1979, le présent CD propose un programme autour de pages Bach, Telemann et Händel qu’on lui connaissait déjà, ici « remasterisé ». Même si l’organe de Lucia Popp resplendit toujours de sa chaleur et de ses ors, ce disque ne peut constituer un récital digne d’honorer la mémoire de la diva slovaque.
Avec une durée de quarante-cinq minutes, acceptable en vinyle mais pas en CD, l’auditeur doit en plus aussi compter sur les interventions de la basse finlandaise, certes prestigieuse, Jorma Hynninen, ambassadeur de Sibelius, Rautavaara et Sallinen mais peu familier de répertoire. Il s’en sort comme il peut, avec indifférence… La conception de l’Orchestre de Chambre d’Amsterdam, qui joue sur instruments modernes, est aussi un écueil à l’appréhension de l’art de Popp pour le non-initié habitué des instruments « anciens ». Avec des tempi d’une rare lourdeur et des solistes instrumentaux besogneux, nous sommes aux antipodes d’un accompagnement digne d’une telle interprète.
Malgré tout, la célèbre cantate de Bach Jauchzet Gott in allen Landen BWV 51 (qui donne son titre au disque) est interprétée avec émotion et virtuosité par notre soprano. Höchster, mache deine Güte, l’aria qui vous tirera des larmes, justifie à elle seule cette entreprise. Mais quinze minutes, cela fait peu, surtout quand le reste tourne à l’ennui total (Telemann). Enfin, pourquoi l’air de Samson HWV 57, Let the bright Seraphim est-il chanté en allemand, tout comme celui de la basse empruntant au Messiah HWV 56 ? L’interprétation de ces arie illustre le manque d’engagement de l’orchestre avec l’absence totale de rayonnement et de splendeur attendus.
Si Acanta souhaitait, en « remasterisant » ce programme, montrer son fonds Lucia Popp, des compléments auraient été indispensables, ainsi qu’un livret moins sommaire.
MS