Chroniques

par michel slama

archives Renata Tebaldi
enregistrements 1949-1953

2 CD IDIS (2005)
6464/5
archives Renata Tebaldi | enregistrements 1949-1953

L'Institut Discographique Italien (Istituto Discografico Italiano – IDIS) propose de redécouvrir la grande Renata Tebaldi, grâce à deux CD censés perpétuer le mythe de l'autre Divine, l'un entièrement consacré à ses enregistrements studio des débuts, entre 1949 et 1950, l'autre à des extraits pris sur le vif entre 1950 et 1953. La cantatrice italienne, décédée en décembre 2004, à l'âge de quatre-vingt deux ans, demeure, malgré l'ombre de Maria Callas, l'une des plus belles voix sensibles et chaudes de l'après-guerre. Spécialiste du répertoire italien de la seconde partie du XIXe siècle, particulièrement des grands Verdi (Aïda, La forza del destino, Il trovatore, Traviata, Otello, etc.) et des compositeurs de la Jeune école nés autour de 1850, comme Ponchielli, Boito, Catalani ou Giordano, elle reste l'une des plus grandes interprètes de Puccini, avec des incarnations inoubliables de Butterfly, Mimi, Manon, Tosca, Minnie et Liu. Celle qui débuta à l'âge de 22 ans dans l'Hélène de Troie (Elena) du Mefistofele de Boito, à Rovigo en 1944, devait rapidement accéder à une carrière internationale, d'abord grâce à Toscanini qui la choisit pour le concert de réouverture de la Scala en 1946, puis sur toutes les grandes scènes italiennes et internationales d'Amérique (Met' de New York, San Francisco, Buenos Aires, Rio de Janeiro, etc.).

De 1949 à 1960, les deux divines s'affrontent à la Scala et permettent à la presse à scandale d'en rajouter sur la pseudo inimitié des deux plus grandes cantatrices de l'époque. Pourtant, les deux chanteuses n'avaient pas du tout la même tessiture et même si les deux ont cédé à la mode de ces années d'après-guerre, les grandes incarnations de l'une n'ont jamais été celles de l'autre. Témoins, les extraordinaires captations studio de son Aïda, de sa Butterfly, de sa Manon Lescaut et de sa Desdemona, contenues dans le premier CD, que le lecteur devra écouter en priorité pour sa perfection artistique, technique et tendre. Même si Maria Callas les a enregistrés et peu (voire jamais pour certains) interprétés sur scène, Renata Tebaldi reste unique et irremplaçable dans ces rôles. Il n'en va pas de même pour Tosca et Traviata où la Callas continue d'être la référence absolue. Il serait bien inutile de poursuivre les comparaisons entre les interprétations des deux rivales, tant leur façon d'aborder les héroïnes est, par essence, différente.

L'Orchestre de la Suisse Romande est fiévreux et engagé, à l'image de la jeune diva, avec unAlberto Erede fidèle et soucieux d'apporter un écrin de choix à sa partenaire. Le reste du programme est superlatif, tant la pureté de la voix et sa technique vocale sont préservées et l'émotion toujours présente. Suivra un très important legs discographique chez Decca qui, à part sa toute première intégrale de Madama Butterfly, son Aïda et sa Desdemona aux côtés de l'Otello de Mario Del Monaco, n'atteindra plus jamais ces niveaux de perfection. Il n'en demeure pas moins une collection passionnante d'intégrales à redécouvrir pour mieux connaître une interprète injustement négligée.

Si ce premier CD était déjà disponible dans diverses éditions, dont la plus fameuse était la collection Renata Tebaldi chez Classic Art history (2002), le second CD, entièrement dédié aux enregistrements pris sur le vif, semble plus original. Hélas, il est disqualifié par une reproduction sonore brouillonne où un crépitement indésirable partage la vedette avec la chanteuse de bout en bout. C'est insupportable, surtout compte tenu des avancées technologiques effectuées en la matière ces dernières années. C'est apparemment une re-gravure à l'identique des 33 tours pirates de l'époque… Quel dommage que la copie qui a dû servir de base au CD ait été en si mauvais état ! Quel plaisir aurions-nous eu à entendre la Diva sur scène dans un son acceptable, spécialement dans ce Requiem de Verdi dirigé par Toscanini en 1950, ou les extraits rarissimes d'unTannhäuser italien dirigé par Karl Böhm au San Carlo de Naples, son théâtre de prédilection. Ce CD contient aussi de superbes extraits de Giovanna d'Arco, opéra méconnu de Verdi, où Tebaldi est accompagnée par le partenaire idéal de ses intégrales Decca, Carlo Bergonzi, dont la voix est méconnaissable. On a connu un meilleur son pour La forza del destino... Quant aux extraits de Madama Butterfly, si la chanteuse reste admirable de tendresse et de juvénilité, l'Orchestre de San Francisco est complètement absent et Giuseppe di Stefano en rajoute dans le vérisme. Pour finir, l'air de Louise de Charpentier que la cantatrice chante en italien, lui va comme un gant et déclenche un torrent d'applaudissements bien mérités.

Malgré les réserves techniques qui exigent l'indulgence de l'auditeur, le mythe de Renata Tebaldi reste bien servi par ce nouvel album.

MS