Chroniques

par michel slama

archives Rita Streich
airs variés

1 coffret 10 CD The intense media (2014)
600196
En un coffret de dix CD, redécouvrons l'art de Rita Streich (1920-1987)

The intense media continue de proposer des archives incontournables, comme ce coffret dédié au soprano allemand Rita Streich (1920-1987), née de père russe et de mère allemande. L’une des prime donne les plus emblématiques des années d’après-guerre a enfin droit à un hommage presque exhaustif, quoique spartiate, en dix CD. Il n’y a ni livret, ni notice explicative, mais quelques lignes au dos de l’objet, en allemand et en anglais. Heureusement, l’intérieur annonce de façon succincte le détail des plages correspondant aux airs rassemblés sur chaque CD.

Rita Streich appartient à cette génération de chanteurs allemands qui ont marqué tout un âge d’or par leur charisme légendaire, une virtuosité et un respect scrupuleux des œuvres qu’ils interprétaient, ainsi qu’une présence scénique inoubliable. Aux côtés des plus grandes cantatrices, comme Elisabeth Grümmer, Irmgard Seefried ou Elisabeth Schwarzkopf, de chefs prestigieux comme Ferenc Fricsay, Herbert von Karajan ou Josef Krips, le « rossignol allemand », comme on l’appelait, commença sa carrière à la Deutsche Staatsoper de Berlin en 1946, puis fit partie de la troupe permanente de la Wiener Staatsoper à partir de 1953 et du Salzburger Festspiele où elle fut une interprète privilégiée des rôles coloratures – comme la Reine de la nuit qui devint sa carte de visite. Sa voix était souple, spirituelle, brillante, pleine et d’une agilité exceptionnelle.

La somme ici rassemblée montre sa relation privilégiée à la musique allemande et à Mozart en particulier, à travers l’incarnation de ses sopranos légers. Dans cette compilation, la part est faite belle au Salzbourgeois : Rita Streich est successivement Blonde (Die Entführung aus dem Serail), Bastienne (Bastien und Bastienne), Reine de la nuit (Die Zauberflöte), Despina (Così fan’ tutte), Susanna (Le nozze di Figaro), Zerlina (Don Giovanni), Ilia (Idomeneo) et Zaide du singspiel éponyme. Est offert un bonus inestimable avec une sélection d’airs de concert et de nombreux Lieder. Suivent Eurydice de l’Orphée de Gluck, Ännchen (Der Freischütz), Gretel (Hansel und Gretel), Sophie (Der Rosenkavalier), Zerbinetta (Ariadne auf Naxos) et des trésors venus de l’opérette viennoise qu’elle adorait (surtout les chefs-d’œuvre de Johann Strauss fils qui constituent l’essentiel d’un CD consacré à l’opérette).

Cet hommage présente également de nombreuses curiosités provenant d’opéras italiens ou français qu’elle a interprétés sur scène, le plus souvent en allemand, comme c’était alors l’habitude : Rosina (Il barbiere di Siviglia), Marie (La fille du régiment), Norina (Don Pasquale), Leïla(Les pêcheurs de perles), Titania (Mignon), Gilda (Rigoletto), Oscar (Un ballo in maschera), Violetta (Traviata), une luxueuse Musette (La Bohème), les rôles-titres de Lucia di Lammermoor et Dinorah, ainsi que les trois personnages féminins des Contes d’Hoffmann… entre autres ! À l’écoute de sa Rusalka, de l’Antonia des Contes d’Hoffmann, de Mimi, de l’Elena des Vêpres siciliennes, on l’aurait imaginée capable d’aborder des rôles de sopranos lyriques plus lourds ; la place était déjà prise par ses illustres collègues, elles aussi légendes vivantes qui marquèrent de façon durable l’histoire du chant.

Signalons, pour finir, un indispensable Liederabend Schubert et Wolf, ainsi qu’une compilation de musique légère contenant les déjà connus Villanelle d’Eva Dell’Acqua, Les filles de Cadix de Léo Delibes, Cоловей d’Alexandre Aliabiev (Rossignol), Il bacio de Luigi Arditi et beaucoup d’autres gourmandises qui surprendront l’auditeur par leur fraîcheur, leur grâce et l’agilité vocale parfaitement maîtrisée qui les sert. En conclusion, il s’agit là d’un legs inestimable, rassemblant des enregistrements déjà publiés par Deutsche Grammophon et des documents live inédits.

MS