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Chroniques
Aribert Reimann
œuvres variées
Des trois opus qui font le programme de ce nouveau CD WERGO paru dans ces mêmes mois qui virent la reconstitution à Budapest de la première production de l’opéra Lear (1978) et la création d’une nouvelle mise en scène à Paris [lire nos chroniques des 23 et 31 mai 2016], tout a commencé par la rencontre du poète et du musicien, Paul Celan et Aribert Reimann.
Si l’on sait désormais que l’homme de lettres n’encouragea pas les compositeurs à investir son univers tout en ne repoussant jamais ceux qui l’ont sollicité, une relation toute particulière s’est construire au fil du temps entre les mots de Celan et les notes de Reimann, depuis Zyklus conçu en 1956. En 1992, ce dernier s’empare de neuf poèmes et signe un cycle de Lieder pour alto solo, destiné à la grande Brigitte Fassbaender dont il a souvent accompagné les récitals. Ainsi naquit Eingedunkelt, ici chanté par un contre-ténor. La présence vocale de Tim Severloh impose une interprétation haletante à Wirfst du den beschrifteten Ankerstein aus?, le premier épisode de ce cycle en sections très brèves. Le deuxième appelle, le suivant psalmodie l’angoisse, quand le lyrisme fait une entrée dramatique dans Angefochtener Stein et Bedenkenlos, den Vernebelungen zuwider (Lieder n°4 et n°5, les deux seuls à atteindre chacun une durée d’au moins deux minutes). À la litanie Nach dem Lichtverzicht, où contrastent les inserts en voix de baryton, succèdent le très mélodique Eingedunkelt, le rythmique et grimaçant Vom Hochseil herabgezwungen, avec son aigu violent, enfin Füll die Ödnis.
Alors que Reimann réalise que ce cycle poursuit un chemin d’inspiration, l’Houston Symphony Orchestra et son chef principal Christoph Eschenbach lui commandent une nouvelle œuvre. Il décide de retravailler les neuf Lieder en Neun Stücke pour orchestre, sans voix, cette fois, que les commanditaires créeront en mai 1993. Ne cherchons pas de manière trop serrée la correspondance entre Eingedunkelt et l’opus qu’il généra – le procédé n’est pas orchestration mais extension et prolifération de l’expressivité comme du matériau, un peu à la manière d’un Boulez rendant visite à ses Notations pour piano –, employons-nous plutôt à suivrela parenté de climat qui les relie, dans l’interprétation sensible d’Eschenbach à la tête du NDR Sinfonieorchester. La portée spirituelle de la dernière pièce vient consoler les avatars dramatiques qui la précèdent.
Huit ans plus tard, le compositeur signe Zomtei halom, mise en musique pour baryton et piano d’un poème hébreu de David Rokeah (auteur ukrainien, 1916-1985). L’expérience suivrait un chemin comparable, puisque Reimann utilisa le motif initial de sa mélodie comme ferment d’une page pour grand effectif orchestral qu’il intitulerait Spiralat halom, dictée par les images terribles de la guerre en Irak (2001) – une vingtaine de minutes d’un seul tenant, ouverte par un frémissement inquiet, gagnée par des vents insistants et belliqueux. Christoph Eschenbach livre une exécution de belle tenue.
HK