Chroniques

par laurent bergnach

Arnold Schönberg – Robert Schumann
Pierrot lunaire – Dichterliebe

1 DVD Arthaus Musik (2002)
100 330
Christine Schäfer chante Schönberg et Schumann

En 1912, Arnold Schoenberg (1874-1951) compose le cycle de lieder Op.21 Trois fois sept poèmes extraits du Pierrot Lunaire d'Albert Giraud. Cette pièce, devenue un classique de la musique vocale du XXe siècle naissant, a inspiré le réalisateur Olivier Herrmann : en 1999, il produit One night. One Life. Avec Christine Schäfer en soliste et actrice, sur une version enregistrée par Pierre Boulez et l'Ensemble Intercontemporain, il illustre un univers qui balance entre romantisme et expressionnisme, entre rêve et cauchemar.

Au texte qui évoque le noir des ailes de papillons et celui des vestons, le rouge du soleil couchant, des rubis et du sang, le scintillement blafard de la lune, du cristal et des flammes de bougies répondent des images de métropoles modernes, avec gare, supermarché, peep-show et rues envahies d'enseignes au néon. La surimpression filmique, le double récurrent du soprano, la mise en scène – insectes dégoûtants dans une chambre à coucher, corps humains suspendus aux crochets de l'abattoir, etc. – apportent le fantastique et l'ironie qui sied à cette œuvre onirique. L'ensemble, tout d'abord déconcertant, est assez homogène pour justifier notre adhésion.

Dichterliebe est un film du même réalisateur. Pour ce récital de femme qui interprète des textes écrits pour un homme, accompagnée de la pianiste Natascha Osterkorn, nous retrouvons Christine Schäfer dans un nouveau contexte : un concert sombre et intimiste dans un night-club de Berlin, qui ravive, peut-être, l'ambiance des salons de l'époque de Schumann (1810-1856).

Aux images de ce concert, Herrmann ajoute celles du tournage du film, des scènes de la vie quotidienne : réveil ou bain des artistes, pause déjeuner entre techniciens et producteur, etc. L'astuce est bienvenue car elle rend non seulement plus actuelle la poésie d’un discours amoureux somme toute éternel, mais surtout plus charnelle. Ces sentiments (désir, souffrance, solitude) sont souvent chantés, ou du moins reçus de façon abstraite ; ici, ils prennent corps grâce au vécu et à l'intimité de la chanteuse – magnifique d’émotion –, même si la nécessité du film les entretient artificiellement.

LB