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Chroniques
Arnold Schönberg
Von Heute auf Morgen | Du jour au lendemain
Entre les errances d’une femme bouleversée au cœur de la forêt (Erwartung, composé en 1909) et celles des Hébreux dans le désert (Moses und Aron, créé en concert en 1954), Arnold Schönberg fait entendre la seule véritable œuvre comique de sa carrière avec Von Heute auf Morgen. Il espère ainsi égaler le succès remporté par les Zeitopern satiriques entre 1924 et 1931, ces opéras d’actualité parmi lesquels se range un Neues vom Tage d’Hindemith [lire notre chronique du 17 décembre 2009] tant admiré et qui, dit-on, influence le choix de son sujet. Effectivement, l’opéra en un acte plait beaucoup aux Francfortais, le 1er février 1930, mais sans provoquer l’engouement durable attendu.
Partant que le soi-disant moderne ne dure que ce que vivent les roses, l’ouvrage décrit la réaction d’une épouse lorsqu’elle comprend la tocade de son mari pour une femme élégante, ancienne amie d’enfance, qu’ils viennent de rencontrer à une soirée. Comment lutter contre une telle ensorceleuse quand on a pour unique aura celle d’une femme au foyer – propre à émouvoir, cependant, un célèbre ténor –, qui passe tout son temps à s’occuper de son mari et de leur petit garçon ? C’est ce que nous apprend le livret de Max Blonda – pseudonyme de Gertrud Kolisch, la seconde femme de Schönberg. Concernant la partition, ce dernier écrit à Hans William Steinberg, responsable de la première :
« Vous n’aurez pas à aider ma musique ; elle est intrinsèquement si caractéristique – à condition que l’exécution soit musicalement correcte – que toute caractérisation suivra automatiquement. […] Le ton doit toujours être absolument léger. Mais il faudra que l’on puisse sentir que la simplicité de ces faits cache quelque chose : à travers ces figures et ces événements quotidiens banals, l’on veut montrer comment, au-delà et hors de ce simple épisode conjugal, la modernité et ce qui est à la mode ne vivent que « du jour au lendemain », de façon incertaine, au jour le jour, qu’il s’agisse du mariage ou de l’art, de la politique et de la conception de la vie ».
Filmée à La Fenice en décembre 2008, cette production de l’Opus 32 du Viennois est la première disponible en DVD. Dans des décors favorisant le noir et blanc, Andreas Homoki dirige avec soin des chanteurs peu avares en grimaces et ressorts burlesques. À part Mathias Schulz (le ténor) franchement navrant, Sonia Visentin (l’amie), Georg Nigl (le mari) et Brigitte Geller (la femme) ne déçoivent pas, en particulier cette dernière, vaillante, expressive et précise. Ce vent de folie qui ravit le spectateur doit aussi beaucoup à Eliahu Inbal, en fosse avec l’orchestre vénitien maison.
LB