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Chroniques
Arnold Schönberg
Six chœurs mixtes a cappella – Quatuor n°2 – Suite pour orchestre à cordes
Ce troisième volume de l'édition Arnold Schönberg du label Naxos sous l'égide de Robert Craft, nous conduit à travers différentes pièces du compositeur autrichien. Les Six pièces a capella pour chœur mixte sont des chansons populaires allemandes du XVIe siècle qu'il harmonisa, pour moitié, en 1928, à l'instigation d'une commande de l'état allemand ; les trois autres pièces furent harmonisées en 1948. Le Simon Joly Singers, ensemble londonien qui accompagne les pérégrinations de Robert Craft, livre une très bonne prestation, même si l'on peut préférer l'aspect minéral et hiératique de l'anthologie chorale enregistrée sous la direction de Pierre Boulez (Sony).
Le Quatuor à cordes Op.10 n°2 est l'une des partitions de chambre les plus importantes de Schönberg. La rédaction de cette pièce est contemporaine du suicide de Richard Gerstl, le professeur de dessin et amant de la femme du compositeur. La passion entre Mathilde et le peintre fut telle qu'elle poussa l'épouse du théoricien du dodécaphonisme à quitter le domicile conjugal. Mais Gerstl, instable psychologiquement, se suicida après avoir détruit toute sa correspondance et les documents concernant son identité. Le couple Schönberg surmonta ces turbulences en se murant dans le silence. Dans cette partition dédiée à sa femme, le musicien semble oser toutes les innovations, alors que les deux derniers mouvements font appel à un soprano qui chante un poème de Stefan George. Le quatuor américain Fred Sherry offre une interprétation de haute technicité, alors que le joli timbre de Jennifer Welch-Babidge illumine le texte. Pourtant, dans une discographie d'un niveau qualitatif hallucinant, on préfèrera rester fidèle aux quatuors Julliard (Sony), LaSalle (DG), Prazak (Praga) et Arditti (Montaigne).
La dernière pièce de ce programme original est la Suite pour orchestre à cordes de 1934. Cette première composition américaine du Viennois pourrait apporter du crédit à sa fameuse phrase : « Je suis un conservateur que l'on a forcé à être révolutionnaire », tant elle regarde vers le passé. Écrite à l'instigation d'un jeune joueur de contrebasse de l'Université de New York qui voulait inciter Schönberg a écrire une pièce pour un orchestre d'étudiants, cette œuvre reprend des formes musicales traditionnelles : une ouverture, un adagio, un menuet, une gavotte et une gigue. Accessoire dans le legs du compositeur, cette page est bien servie par Robert Craft à la tête du Twentieth Century Classics Ensemble. On pourra tout de même regretter l'indisponibilité dans les bacs de la superbe gravure de Norman Del Mar (EMI).
Inclassable, ce disque permet de découvrir dans de bonnes conditions l'œuvre d'Arnold Schönberg. Bien que non traduite en français, la notice de présentation, rédigée par Craft, s'avère particulièrement précieuse.
PJT