Chroniques

par samuel moreau

Arthur Honegger
Jeanne d'Arc au bûcher

1 DVD Accord (2007)
442 918-1
Arthur Honegger | Jeanne d'Arc au bûcher

S'ouvrant sur des images d'effondrements et de ruines, cette coproduction engageant Arte, Cinétévé et le Festival de Radio France et Montpellier replace Jeanne d'Arc au bûcher au temps de la lutte contre l'Anglais, mais aussi de celle contre l'Allemand. L'ouvrage d'Arthur Honegger est en effet composé pendant l'entre-deux guerres, de janvier à août 1935, pour voir le jour à Bâle le 12 mai 1938 – la première audition française a lieu un an plus tard, le 8 mai 1939, à Orléans. Ajouté après la Libération pour une présentation à l'Opéra, le Prologue évoque l'occupation à l'aide des versets les plus sombres de la genèse.

C'est sur l'initiative du mécène Ida Rubinstein que cet oratorio dramatique en onze scènes est écrit. Un premier essai de livret échoue, et on fait appel à Paul Claudel. Celui-ci vient d'écrire Le Festin de la sagesse (1935) avec Darius Milhaud et se sent désarmé devant le sujet qu'on lui propose. Il commence par refuser puis, comme l'explique Honegger, « dans le train qui le ramenait à Bruxelles, la vision de deux mains enchaînées faisant le signe de la croix sur le bûcher s'imposa à lui et il conçut tout le poème de ce sommet de la vie de Jeanne qui, avant de mourir, revoit toute sa brève et merveilleuse existence ».

Par la simple rencontre de Jeanne (sacrifiée en 1431) et de Saint Dominique (1170-1221), Claudel fait éclater le temps et l'espace, ainsi que les références réalistes. Si l'on excepte une crucifixion finale qui, théologiquement, ne tient pas la route, Jean-Paul Scarpitta réussit plus d'un épisode du spectacle : Jeanne Livrée aux bêtes nous plonge en plein bestiaire médiéval (inspiré des peintures de Dierick Bouts et Jérôme Bosch) et Les Rois ou l'invention du jeu de cartes rappelle combien la fille de Dieu fut un petit pion, malheureux, sur l'échiquier des puissants. Drôle de confrontation que celle de Sylvie Testud, pleine de fraîcheur, avec Eric Ruf au ton compassé de sociétaire et bien plus expressif quand il se tait !

Quant à eux, les chanteurs viennent donner à l'interprétation ce relief dont le prive Alain Altinoglu en fosse : Mélanie Boisvert, Isabelle Cals et Marie-Nicole Lemieux forment un trio de Voix du Ciel agile et efficace, contrepoint des terrestres Eric Huchet et Nicolas Testé. Malgré quelques intervalles malmenés, les Chœurs montpelliérains, angevins et nantais s'en sortent honorablement.

Enfin, signalons un reportage-bonus qui ne doit pas inciter à l'achat, si ce qui précède n'a pas convaincu : reprenant les trois-quarts du film de Don Kent, les platitudes, naïvetés et contresens des interviewés s'y ajoutent sans nous en apprendre plus sur l'ouvrage que les différents textes accompagnant l'enregistrement – dont une notice très détaillé de l'un de nos confrères.

SM