Chroniques

par laurent bergnach

Aurore Rivals
Entretiens autour des cinq premiers opéras de Péter Eötvös

Éditions Aedam Musicae (2012) 180 pages
ISBN 978-2-919046-06-5
Entretiens autour des cinq premiers opéras de Péter Eötvös

« En Europe, tout a commencé par le chant » rappelle Péter Eötvös (né en 1944) qui, près d’un an avant la création viennoise de Paradise reloaded (Lilith) et si l’on omet le chambriste Radames (1975), est déjà l’auteur de six opéras d’importance, pour la plupart créés en France : Trois sœurs (Lyon, 13 mars 1998), Le balcon (Aix-en-Provence, 5 juillet 2002), Angels in America (Paris, 23 novembre 2004), Love and Other Demons (Glyndebourne, 10 août 2008), Lady Sarashina (Lyon, 4 mars 2008) et Die Tragödie des Teufels (Munich, 22 février 2010) [1]. Ledit recueil s’inscrit dans la continuité de quatre années de recherches consacrées à l’œuvre opératique du prolifique Hongrois, inaugurées par Aurore Rivals avec le soutien de son mémoire de Sorbonne, en octobre 2007, sous la direction de Danielle Cohen-Levinas.

En juillet de la même année, dans le cadre du Centre Acanthes, la flûtiste et musicologue rencontre le compositeur pour la première fois. C’est l’occasion d’un entretien qui ouvre sur quelques autres, espacés durant trois années – « très efficaces et agréables », précise-t-elle, ce dont on ne doute pas quand on connaît la disponibilité du créateur [lire notre entretien]. En une cinquantaine de pages, Eötvös donne des clés sur les différents choix qui font évoluer un projet (texte « au service de l’action », langue, style, artistes, etc.), sur l’écriture à destination d’un chanteur précis (« assez vite, comme une lettre […] comme si j’avais sa photo devant moi »), sur les relations avec l’écrivain, le librettiste et le metteur en scène, etc. « Pour la nouvelle œuvre, je recommence tout à zéro », conclut-il.

Avec des questions communes destinées à mettre en lumière différents points de vues et approches, Aurore Rivals rencontre ensuite des interprètes liés à la création des œuvres déjà citées, soient, par ordre chronologique, le contre-ténor Alain Aubin (Olga), le ténor Guy Flechter (Le Juge), la basse Jérôme Varnier (Arthur), le ténor Topi Lehtipuu (Louis Ironson) et le soprano Mireille Delunsch (Lady Sarashina) – s’y ajoute un entretien avec Stéphane Petitjean, chef de chant sur Le balcon.

Bienveillance, courtoisie, générosité… Les mots sympathiques ne manquent pas dans leur bouche pour évoquer le travail avec l’auteur d’Atlantis, de même qu’ils lui sont reconnaissant d’avoir pris en compte leur expérience (la pop et le jazz, pour Lehtipuu) pour les faire évoluer vers d’autres espaces (« ma voix avait atteint une place plus lyrique », reconnaît Aubin), tout en respectant le flux naturel du chant. Outre évoquer la genèse de leur personnage, ces entretiens permettent aussi à des artistes de porter sur leur métier un œil aiguisé.

LB

[1] Trois sœurs [lire notre chronique du 24 mars 2012], Le balcon [lire notre chronique du 25 janvier 2004], Love and Other Demons [lire notre chronique du 25 septembre 2010], Lady Sarashina [lire notre chronique du 11 mars 2008] et Die Tragödie des Teufels [lire notre chronique du 12 juillet 2010]. Lors de la création d’Angels in America au Théâtre du Châtelet, notre média n’avait eu accès qu’à la générale