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Chroniques
Béla Bartók
Sonate pour violon solo – 44 duos pour deux violons
Comme beaucoup de compositeurs nés à la fin du XIXe siècle, outre le piano, Béla Bartók (1881-1945) a été inspiré par les possibilités sonores du violon. Étudiant, il avait souvent l'occasion d'accompagner des violonistes amateurs dans les villes de province visitées et, par la suite, dans les années vingt et trente, il joua régulièrement avec Zoltán Székely et Joseph Szigeti, de l'illustre école de Hubay. Les sœurs Arányi, Stefi Geyer, Ferenc Vecsey... on n'en finirait pas de citer tous ceux qu'il rencontra. Si les concertos, les sonates, les rhapsodies s’affirment les genres qu'il estimait représentatifs depuis ses premiers pas dans la création, Duos pour deux violons et la Sonate solo semblent des œuvres un peu à part qui, tout en répondant à des commandes à caractère totalement différent – l'une à base d'airs populaires pour l'apprentissage, l'autre plus abstraite à destination d'un artiste virtuose – s'expliquent et se complètent.
Émigré aux États-Unis depuis 1940, Bartók rencontre Yehudi Menuhin en novembre 1943, lequel lui avait demandé de juger son interprétation de la Sonate pour violon n°1 (1921). La commande d'une sonate en solo en découle. La nouvelle composition – inspirée de Bach, et donc dans la mouvance néoclassique de l'époque – est ébauchée en février-mars 1944, à Ashville, loin des frimas de New York. La date du 14 mars signe la fin d'un travail riche et complexe. Bartók a ensuite débattu de manière très détaillée des questions techniques avec l'interprète, au cours d'échanges de courrier puis des répétitions. Menuhin, qui avait d'abord trouvé cetteSonate injouable, fut rassuré de voir transformés les quarts de ton du mouvement final. Mais ces vingt dernières années, la partition originelle est réapparue (grâce au fils, Péter Bartók), que respecte l'enregistrement présent.
Quarante-quatre duos pour deux violons date de 1931, consécutif à une demande du pédagogue allemand Erich Doflein d'arranger Pour les enfants (1908-09), conçu pour le piano. Le compositeur choisit d'écrire de nouvelles pièces qui, durant le premier semestre, constituent des pauses à l'écriture du Deuxième concerto pour piano. De construction plutôt simple, elles ont, le plus souvent, deux couplets pendant lesquels les violons changent de rôle – notons combien la structuration en contrepoint est devenue déterminante pour le style postérieur de Bartók. Son intérêt pour la diversité ethnique s'y retrouve : danses et mélodies hongroises, roumaines, slovaques, ruthènes, serbes ou arabes se succèdent, empruntées aux noces d'une jeune fille ou à la mélancolie d'un soldat. En 1936, il tirera de cette œuvre six pièces pour le piano, parus sous le titre Petite suite. Si Barnabás Kelemen (né à Budapest en 1978) faisait preuve de beaucoup de brillance et de nuances dans l'œuvre précédente – âpreté, sécheresse, délicats sons flutés, etc. –, c'est une grande tendresse qui prédomine ici, dans son échange lumineux avec Katalin Kokas.
LB