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Chroniques
Béla Bartók
Suite du Prince de bois – Concerto pour orchestre
À un magazine d'éducation musicale viennois, Béla Bartók (1881-1945) confia comment, peu après le tournant du siècle, son intérêt pour Liszt le détourna de son enthousiasme initial pour Richard Strauss, lui faisant entreprendre des recherches sur la musique rurale hongroise. Passablement inconnue alors, celle-ci apportait une alternative au système majeur/mineur dominant. La musique qu'il compose à l'époque, spécifiquement nationale, rencontre naturellement une vive opposition à Budapest. « La raison de l'incompréhension fut, entre autres, que les nouveaux morceaux d'orchestre ont été presque toujours joués d'une manière imparfaite, vu qu'il n'y avait ni chef de valeur ni orchestre adapté. » En 1911, avec Kodály, il fonde la Nouvelle Société de Musique Hongroise, pour répondre à leur désir de changer les mentalités. Mais les espoirs sont déçus et Bartók – dont le Château de Barbe-Bleue est condamné avant même d'être joué – doit patienter encore quelques années pour rencontrer le public.
Écrit entre 1914 et 1916, Le Prince de bois, ballet en un acte sur un livret de Béla Balázs, fut présenté à l'Opéra royal de Budapest, le 12 mai 1917. « Sans défaut », la direction de l'Italien Egisto Tango, dédicataire de l'œuvre, ravit le compositeur, et la première serait un succès. Le compositeur en extraira plus tard une Suite pour orchestre, créée le 23 novembre 1931 sous la baguette d'Ernö von Dohnányi. En sept tableaux, elle résume l'intrigue de ce ballet initiatique : dans l'espoir de séduire une princesse dont il est tombé amoureux, un prince sculpte un prince de bois qui lui permettra d'approcher sa belle.
Bien des années plus tard, exilé malheureux aux États-Unis, peu enclin aux concessions et malade de surcroît, le musicien peine toujours à vivre de son métier. Heureusement, le chef Sergeï Koussevitzky, lui commande en mécène un Concerto pour orchestre qui sera composé entre le 15 août et le 8 octobre 1943. À la tête de l'Orchestre Symphonique de Boston, le commanditaire créé l'œuvre le 1er décembre 1944. Bartók note : « L'atmosphère de la partition – excepté son second mouvement facétieux – peut être considérée comme une transition graduelle du ton sérieux du premier mouvement et de la souffrance plaintive du troisième vers une affirmation de la vie du finale ».
Tout au long de la carrière exemplaire que l'on sait, Michael Gielen s'est imposé comme l'une des figures les plus fiables et autorisées de la direction d'orchestre. On lui doit de nombreuses contributions, tant dans le grand répertoire (Beethoven, Brahms, Mahler, etc.) que dans les classiques d'aujourd'hui (Berg, Debussy, Schönberg, Nono, etc.), sans omettre des souvenirs inoubliables dans les maisons d'opéra allemandes. À la tête du Sudwestrundfunks Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg, il signe une version de la Suite du Prince de bois dont le mystère opère au prix d'une certaine brume, voire d'une tendance à l'inertie qui n'est pas des plus heureuses. En revanche, son interprétation du Concerto pour orchestre mène une tension irrépressible de l'intérieur, déployant peu à peu une énergie convaincante, tout en s'avérant parfois sévère.
HK