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Chroniques
Baldassare Galuppi
L’inimico delle donne | L’ennemi des femmes
Que d’événements dans le royaume chinois de Kibinchinka ! Alors que le peuple implore l’idole Kanagà pour que le prince Zon-zon trouve une épouse au plus vite – et en particulier les jeunes Xunchia, Kam-sì et Zyda –, une tempête fait échouer le vieux Geminiano et sa nièce Agnesina. Deux cultures différentes se retrouvent face à face, mais aussi deux caractères identiques : Agnesina qui ne peut souffrir les hommes et Zon-zon qui déteste les femmes au point d’avoir aucune intention de se marier. Finalement attendrit par la jeune femme – et inversement –, le prince décide de l’épouser, tout en craignant que le peuple s’oppose au choix d’une étrangère. Avec l’aide de l’oncle qu’il déguise en idole pour mettre toutes les chances de son côté, Zon-zon compte faire taire les éventuelles revendications. Les noces se préparent donc mais Agnesina résiste, craignant les infidélités de son futur mari qu’évoque intentionnellement Xunchia par dépit, avant d’être rassurée par le prince.
C’est au printemps 1771 que Baldassare Galuppi (1706-1785) – surnommé par Goldoni « le maestro qui écrit des ouvrages pleins de douceur », en comparaison au peintre Raphaël – livre son opera buffa en trois actes au Teatro San Samuele (Venise). Le créateur de L’Olympiade (1747) [lire notre critique du DVD] s’empare du livret de Giovanni Bertati – lequel servirait également à Giovanni Gazzaniga, pilier de l’École napolitaine – qui mêle les chinoiseries propres à cette époque au thème plus novateur qu’est l’ambivalence sexuelle.
Du 28 janvier au 5 février 2011, l’Opéra Royal de Wallonie (Liège) permit de découvrir un ouvrage qui n’avait jamais été rejoué dans sa version originale depuis la création. Si, dans le genre exotique, le plus tardif Koukourgi fut une bonne surprise (conçu par Cherubini entre 1791 et 1793) [lire notre critique du DVD], quelle déception ici ! Outre un ouvrage sans grand intérêt, le spectateur doit supporter la fantaisie minimaliste de Stefano Mazzonis di Pralafera qui officie à contre-courant de la musique : un dromadaire à plumes et un Lotus bleu exhibé au pays d’Hergé, c’est bien peu de sourires pour deux heures de bâillements… Qui plus est mal filmée, cette représentation propose une prise de son aussi grossière (les pages se tournent, les gens toussent…) qu’est sophistiquée la lecture cimarosienne de Rinaldo Alessandrini à la tête d’une formation maison (accentuation raffinée, tonicité des ponctuations rythmiques, etc.).
Des chanteurs laissés en roue libre, c’est Anna Maria Panzarella (Agnesina) qui s’en sort le mieux, musicalement et dramatiquement (question de nature ?), à la fois souple, précise et acérée. Le chant de Filippo Adami (Zon-zon) s’avère aléatoire : tantôt brillant et bien accroché, tantôt se déroulant sans sureté, à coups de glotte. Alberto Rinaldi (Geminiano) a le vibrato d’un chanteur de son âge. Liesbeth Devos (Xunchia) domine le trio des prétendantes – constitué avec Priscille Laplace (Kam-sì) et Federica Carnevale (Zyda) –, de même qu’Iouri Gorodetski (Ly-Lam), avec une ligne pure et sa simplicité de déroulement, domine le duo de ministres qu’il forme avec Daniele Zanfardino (Si-Sin), instable. Des tomates jaillirent-elles des cabas liégeois que Dynamic, nous faisant boire cette purge jusqu’à la lie, ampute la représentation des saluts rituels, toujours attendus avec plaisir ?
SM