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Chroniques
Beat Furrer
œuvres variées
Depuis les années quatre-vingt, les œuvres de Beat Furrer (né suisse en 1954) font une place importante à la voix, et celles pour la scène en tout premier lieu. Si viennent à l’esprit les opéras Die Blinden (Vienne, 1989), Narcissus (Graz, 1994), Invocation (Zurich, 2003) et La bianca notte (Hambourg, 2015), pensons également au théâtre musical de l’Autrichien d’adoption, toujours fondé sur la mise en regard d’auteurs variés (Bachmann, Gadda, Machado, Ovide, Pavese, Schnitzler, etc.) – les Parisiens purent découvrir Fama dans des ateliers Berthier devenu la deuxième salle de l’Odéon [lire notre chronique du 31 mai 2006]. À la même époque, quelque soit la dimension de l’orchestre jouant hors des maisons lyriques, on remarque l’usage d’une voix (Illuminations, Francfort, 1985) ou de plusieurs (Dort ist das Meer – nachts steig ich hinab, Genève, 1986).
voices – still est une page de moins d’un quart d’heure avec chœur mixte à quatre voix, créée à Salzbourg en avril 2001, sous la direction du compositeur. Elle découle d’une pièce pour quatorze musiciens, still (Zurich, 1998), avant de devenir un élément de Begehren (Graz, 2001), ouvrage scénique d’abord donné en concert, quelques mois plus tard. Issu des Géorgiques (Virgile), le texte évoque, en latin et en allemand, la disparition d’Eurydice aux yeux d’Orphée. Émaillé d’interventions vocales ponctuelles, voices – still maintient une certaine tension qu’engendre un équilibre séduisant entre silence et volubilité.
Comme l’œuvre précédente, Enigmas I–VI est ici gravé pour la première fois.
Il s’agit d’un cycle a cappella fondé sur des prophéties de Leonardo da Vinci – intuition de nouveaux modes de déplacement, de communication, de destruction, etc. –, initié voici dix ans (Graz, 2007) et toujours en cours d’écriture au moment de l’enregistrement. Le Chœur de chambre d’Helsinki (Helsingin kamarikuoro, actif depuis 1962) et son directeur artiste Nils Schweckendiek y affirment la fascination de Beat Furrer pour le processus de transformation. Par sa durée (plus de quinze minutes) et les atouts de deux chœurs en présence, Enigma V (Paris, 2012) se distingue d’un ensemble où triomphe la suavité latine, combinée à une étrangeté qu’alimente le contraste des dynamiques (murmures graves, suraigus perçants).
Le programme se clôt sur un opus ancien et fort connu : …cold and calm and moving (Zurich, 1992), inspiré par un sonnet de Pétrarque et dédié à la flûtiste Eva Furrer, épouse du compositeur [lire notre critique du CD]. À l’origine, ce dernier avait laissé les interprètes libres de choisir l’ordre des différentes sections, mais il a fixé depuis une version de préférence. Par son exécution soignée, l’ensemble finlandais Uusinta (fondé en 1998) n’entame pas notre affection pour ce climat serein, voire contemplatif – Furrer reconnait son admiration pour l’art de Morton Feldman –, sans cesse bousculé par des surgissements parfois rudes.
LB