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Chroniques
Benjamin Britten
Death in Venice | Mort à Venise
En 1937, Benjamin Britten (1913-1976) fait la connaissance du ténor Peter Pears, son futur compagnon de vie et d’exil – trois années passées aux États-Unis, comme pacifistes –, avec lequel il partage une profonde entente artistique. Près de trente-cinq ans plus tard, c’est de nouveau à lui qu’il pense au moment d’entamer son dernier grand ouvrage pour la scène, confiant à un ami du couple : « Je dois faire de l’espace partout afin d’écrire une grande œuvre pour Peter […] qui, comme la plupart d’entre nous, ne rajeunit pas, et qui n’a plus, peut-être, beaucoup d’années de chant devant lui ». À cette époque, le compositeur lui-même sent son corps et son imagination faiblir.
À la fin de l’année 1970, Britten rencontre l’accord de la librettiste Myfanwy Piper – qui semble abonnée aux sujets dérangeants, tel ce Turn of the Screw créé en 1954 – et des héritiers de Thomas Mann pour mettre en musique la nouvelle écrite suite à un séjour vénitien, au printemps 1911. En octobre 1971, à leur tour, Britten, Pears et Piper visitent cette ville « ambiguë » où l’eau épouse la pierre. Souvent interrompu dans son écriture, l’opus 88 du compositeur voit le jour à Snape Maltings, près d’Aldeburgh, le 16 juin 1973. Âgé de soixante-deux ans, Peter Pears y tient le rôle de l’écrivain Aschenbach ; quant à lui épuisé, le compositeur renonce à diriger.
Enregistré entre le 22 et le 25 juin 2008 au Teatro La Fenice, cette production offre l’occasion d’une souriante mise en abime. S’ouvrant sur une ambiance postromantique (bibliothèque poussiéreuse et visite au cimetière), la mise en scène de Pier Luigi Pizzi se signale par des changements de décors efficaces derrière un rideau noir, accentuant ainsi la surprise du touriste découvrant la ville autant que l’oppression qui s’en dégage. En fosse, orchestre et chœurs répondent au dosage équilibré de Bruno Bartoletti qui donne un côté chambriste à ce drame intérieur.
L’écriture délicate de Britten laissant s’épanouir les voix, c’est un réel plaisir lorsque, comme ici, le moindre petit rôle excelle – en particulier Luca Dall’Amico, Employé anglais sonore et doux. Ténor à la voix jeune et tendre, d’une grande clarté de timbre, Martin Miller incarne l’artiste vieillissant, en tenaille entre introspection et rêverie érotique. Son partenaire omniprésent, chargé de sept rôles à lui seul, n’est autre que Scott Hendricks, baryton stable aux aigus efficaces. Enfin, citons Alessandro Riga, Tadzio dont la danse, en solo ou en groupe, est réglée par Gheorghe Iancu.
LB