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Chroniques
Benjamin Britten
Billy Budd
Après qu'Eric Crozier et E.M. Forster eurent pris soin d'écrire le livret à partir de la dernière nouvelle connue d'Herman Melville, Billy Budd (opéra en quatre acte) fut créé à Covent Garden, le 1er décembre 1951. Pears chantait, Britten dirigeait – une partition à l'instrumentation très variée, bien que quasiment chambriste. Le compositeur trouvait là un nouveau sujet proche de ses préoccupations morales et esthétiques : l'innocence écrasée par le mal, dans un univers clos proche de celui de Peter Grimes [lire notre critique du DVD] ou de The Turn of the Screw. L'adieu naïf du marin Billy Budd à son ancien navire suffira à déclencher le drame, puisqu'il est dépendant d'une hiérarchie soupçonneuse, inventant le vice à défaut d'en trouver des traces.
Nous sommes sur un vaisseau de guerre anglais, en 1797. Enrôlé de force comme tant d'autres, Billy Budd, homme simple et droit, est plutôt fier de servir son roi et ne s'inquiète pas trop des rudes conditions de vie à bord. Or une autorité brutale et répressive y règne, incarnée par le capitaine d'armes John Claggart. La Révolution Française a aidé au déclenchement de deux mutineries récentes sur des navires britanniques, et la vigilance est extrême. Mais c'est la beauté du marin qui semble surtout insupportable à Claggart, lequel essaye plusieurs plans pour le perdre (surveillance par Squeak, corruption par le Novice), jusqu'à l'accusation de trahison et de mutinerie, lors d'une ultime confrontation. Humaniste et lecteur de Plutarque, le Capitaine Edward Fairfax Vere voit avec horreur le marin répondre par un coup de poing mortel. Ponce Pilate de l'histoire, il devra cependant approuver la pendaison du jeune homme qu'il sait innocent. Ce dernier accepte l'exécution, après avoir refusé le sauvetage de ses camarades et béni le Capitaine. C'est donc un vieillard brisé par une condamnation injuste qui nous a raconté cet épisode passé de sa carrière.
En 1993, la mise en scène de Tim Albery pour l'English National Opera fonctionne plutôt bien et on se passionne aisément pour le trio principal : Thomas Allen (l'enfant trouvé qui disparaîtra au fond de l'océan), Philipp Langridge (Vere, au jeu impeccable) et Richard van Allan (Claggart, touchant puisqu'il éveille en nous haine et compassion). Neil Howlett est un Mr. Redburn au timbre très égal et aux phrases bien menées, Philipp Guy-Bromley (Mr. Flint) présente lui quelques carences, John Connell (Dansker) est attachant.
Le travail du chœur est nuancé et joue sur de nombreux registres – voir en particulier la vaillance et la douceur présentes dans la scène de préparation à l'abordage. David Atherton dirige un orchestre précis, qui ne couvre jamais les voix.
LB