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Chroniques
Bernd Alois Zimmermann
pièces pour piano
Bernd Alois Zimmermann (1918-1970) n’est pas seulement l’homme qui a conçu Die Soldaten [lire nos chroniques du 11 octobre 2006, du 9 novembre 2010, du 20 août 2012, du 4 octobre 2013, des 14 février et 31 mai 2014, du 30 avril 2016, puis des 23 avril et 3 mai 2018], cette intégrale pour piano solo est bien venue pour nous le rappeler. Elle est d’autant plus précieuse que les sept pièces qui la structurent, judicieusement proposées par ordre chronologique (1946-1956), appartiennent à une décennie cruciale dans l’apprentissage de l’élève d’Heinrich Lemacher et Philipp Jarnach. Résumons-la en compagnie d’Heribert Henrich, auteur d’un article émérite dans le second volume de Théories de la composition musicale au XXe siècle (Symétrie, 2013) [lire notre critique de l’ouvrage].
Dès 1947, Zimmermann écrit régulièrement sur l’art sonore, comme critique dans la presse spécialisée ou comme rédacteur d’essais musicologiques. Ses textes témoignent d’un conflit entre l’idéal des années vingt et un fort besoin d’éloquence. D’où des références à Stravinsky, qui reste pour lui un modèle de rénovateur de la forme, et aux œuvres récentes d’Honegger et d’Hindemith, « en raison de leur approfondissement expressif de l’idiome néo-classique ». En 1949, au retour des Cours d’été de Darmstadt (Internationale Ferienkurse für Neue Musik) où il s’était rendu pour la première fois, le voici rempli de sentiments mitigés quant à la doctrine sérielle – Heinz Werner Henze a sa préférence, qui rapproche l’auteur d’Erwartung de celui des Noces. « Globalement, écrit encore Heinrich,la manière dont Zimmermann aborde la technique dodécaphonique se caractérise par le fait qu’il l’admet d’abord comme un ajout au langage traditionnel, avant de lui accorder progressivement, et seulement après une expérimentation prudente, des fonctions plus substantielles ».
Trois pièces appartiennent à une première période d’écriture où s’entend, outre Hindemith et Stravinsky, une couleur française – beaucoup Satie, mais aussi Chabrier, Debussy, Ravel. Les qualités du pianiste Eduardo Fernández s’y dévoilent très vite : art de la nuance, sensualité, clarté (Drei frühe Klavierstücke, 1946), élégance du phrasé, robustesse (Extemporale, 1946) et facilité à peindre des climats successifs (Capriccio, 1946). Avec le cycle Enchiridion – Enchiridion I (1949), Enchiridion–Anhang et Enchiridion II (1951) –, l’influence des Viennois est manifeste, mais sans soumission d’épigone. En effet, si le compositeur affectionne la suite de danses, les mouvements rythmés – on retrouve Stravinsky, mais aussi Bartók – alternent avec des portions plus austères, énigmatiques et intrigantes, empreintes d’une certaine théâtralité. Plus radical encore dans le contraste entre nervosité et dénuement, Konfigurationen (1956) confirme l’intérêt porté à Webern, peu après avoir entendu ses confrères Boulez (Sonate n°2, 1950) et Stockhausen (Kreuzspiel, 1952).
LB