Chroniques

par laurent bergnach

Blanca Selva – Déodat de Séverac
mélodies

1 CD Columna Música (2023)
1 CM 0428
Columna Música édite des mélodies de Blanca Selva et Déodat de Séverac

Ce programme chambriste consacré aux œuvres de Déodat de Séverac (1872-1921) et à celles de Blanche Selva (1884-1942) réunit plusieurs chanteurs et instrumentistes : Mireia Latorre (soprano), Eulàlia Fantova (mezzo-soprano), Josep Cabré (baryton) ainsi que Daniel Blanch (piano), Joan Seguí (orgue), Ariana Oroño (violon), Víctor Pedrol (accordéon diatonique, percussions) et Peter Krivda (viole de gambe).

Né dans une des familles les plus anciennes du Languedoc, Déodat de Séverac baigne très tôt dans les arts et la musique puisque son père, artiste peintre, joue, à l’occasion, d’instruments à demeure – pas moins de deux pianos, un couple d’harmoniums et plusieurs flûtes et hautbois, comme le rappelle Catherine Buser Picard, biographe du musicien. Séverac prend ses premières leçons de solfège et d’orgue auprès d’un organiste local, puis poursuit son éduction à l’École royale militaire de Sorèze (chant, piano et divers instruments de la fanfare) et au conservatoire de Toulouse. À Paris, sa formation à la Schola Cantorum le retient d’octobre 1896 à juillet 1907, où il se perfectionne auprès de Vincent d’Indy (composition), Alexandre Guilmant (orgue) et Isaac Albéniz (piano). En régionaliste convaincu, il repart vers son Sud natal en 1910, s’installant à Céret (Pyrénées-Orientales) pour devenir « un ménétrier de village […] dont la seule ambition est de chanter à l’unisson des laboureurs et des paysans » (Déodat de Séverac, Éditions Papillon, 2007) [lire notre critique de l’ouvrage].

En grande partie religieuses, les pièces gravées se nomment Albada a l’Estela, La mort i la donzella, Nou cerquen pouen en jouenesso, Dius Poderós, Goigs de nostra Senyora dels FDolors, Salve Regina, Sub tuum, Ave verum, sans oublier le cycle Flors d’Occitania.

En lisant le prénom Blanca au recto du disque, certains frémiront qu’on ose ainsi renommer l’une des plus célèbres interprètes françaises du premier XXe siècle – mais n’est-ce pas ce que firent les Français avec Bach et Chopin, durant des siècles ? Il faut alors rappeler qu’un père catalan lui aura transmis une langue à laquelle elle reviendrait un jour pour écrire des articles, donner des conférences (Beethoven nostre cantor y germa, etc.) et baptiser sa propre école Escola Blanca Selva. Mais revenons au clavier. Dès l’âge de quatre ans et demi, la petite Blanche l’appréhende ici et là, en fonction des déplacements de la famille. Sa découverte de la musique de d’Indy marquera sa vie et sa carrière puisqu’en approchant le créateur de la Symphonie sur un chant montagnard (1887), elle peut enseigner le piano à la Schola Cantorum dès ses dix-huit ans, et ce pendant près de deux décennies. C’est dans ce creuset d’art et d’amitié qu’elle fait la connaissance de Séverac et commence à composer, à son tour.

Comme pour Séverac, la religion s’avère source d’inspiration pour Selva : Mes de Maria, La nit de la Puríssima, Panis angelicus ainsi que Pie Jesu, Domine. Malheureusement, ce programme de pièces pour beaucoup inédites est gâché par un soprano à l’intonation incertaine, que favorise la prise de son lors de ces rares duos. Quel dommage !

LB