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Chroniques
Boris Blacher
Preußisches Märchen | Conte prussien
Né en Chine de parents germano-baltes, Boris Blacher (1903-1975) étudie la musique et la musicologie en priorité, mais aussi l’architecture et les mathématiques, au gré des déplacements familiaux (Estonie, Sibérie, Allemagne, etc.). De même que Kurt Weill, Pablo Sorozábal et Paweł Klecki, il étudie la composition avec Friedrich Koch à la Musikhochschule de Berlin, un établissement qu’il serait plus tard être amené à diriger (de 1953 à 1970), y devenant le maître de George Crumb, Claude Ballif, Aribert Reimann, etc.
Durant la guerre, privé de postes officiels de part son soutien à Schönberg, Hindemith et Milhaud, Blacher survit grâce à des cours particuliers. Heinz von Cramer (1924-2009) compte parmi ses élèves, qui s’illustre ensuite par un travail de metteur en scène et de librettiste. C’est avec lui que le compositeur élabore Preußisches Märchen, opéra-ballet inspiré par un célèbre fait divers aux allures de farce : en octobre 1906, dans la petite ville de Köpenick (commune berlinoise), le cordonnier Wilhelm Voigt abusa de la confiance locale en se faisant passer pour un capitaine d’armée. Cumulant escroquerie et atteinte à l’autorité, le prisonnier fut néanmoins jugé sympathique, au point d’être gracié par l’Empereur avant la fin sa peine. L’ouvrage de Blacher est créé avec succès le 23 septembre 1952, au Theater des Westens – où le Stätdische Oper (futur Deutsche Oper) présentait ses productions entre 1945 et 1961 –, s’ajoutant à la liste de ceux qui avait déjà exploité le sujet, pour le théâtre et le cinéma.
Preußisches Märchen raconte une tranche de vie du clerc Wilhelm Fadenkreutz, dans la même journée médaillé pour une action héroïque, puis licencié pour avoir offensé la fille du Bourgmestre. Il rentre chez ses parents qui s’échinent à marier sa sœur Auguste à l’assesseur Birkhahn, laquelle ne trouve rien de mieux que de présenter comme un capitaine en civil son chômeur de frère. Le voilà donc contraint à une mascarade qui lui fera perdre un peu la notion de la réalité, mais lui sera pour finir pardonnée.
Reprises vingt-deux ans après sa création, en juin 1974, les cinq scènes de l’opéra-ballet sont mises en scène par Winfried Bauernfeind et le chorégraphe Helmut Baumann. Cette production fut ensuite filmée dans les studios de la chaine de télévision SFB (Sender Freies Berlin, devenue RBB – Rundfunk Berlin-Brandenburg – en 2003), dans des décors reconstitués qui permettent un rendu assez cinématographique. Portée par Caspar Richter, la partition mêle avec science Offenbach, Stravinsky et Messiaen, où se glissent des clins d’œil accessibles aux seuls compatriotes de Blacher (caricature de l’hymne allemand, imitation du klaxon réservé à la limousine du Kaiser).
Largement convaincante, la distribution comprend quelques chanteurs déjà appréciés dans Don Giovanni [lire notre critique du DVD] et Die heimliche Ehe [lire notre critique du DVD], durant la décennie précédente : Ivan Sardi (le rôle travesti de la Mère), Donald Grobe (Birkhahn) et Lisa Otto (Père). Manfred Röhrl (Wilhelm), Gerti Zeumer (Auguste), Helmut Krebs (Zitzewitz), Victor von Halem (Le Maire), Barbara Scherler (sa femme) et Carol Malone (sa fille Adelaide) sont leurs principaux partenaires dans une fantaisie assez cousine du Nez [lire notre chronique du 5 décembre 2013].
LB