Chroniques

par françois-xavier ajavon

Boris Titchenko
Symphonie Op.119 n°7

1 CD Naxos (2004)
8.557013
Boris Titchenko | Symphonie n°7

Une chose est certaine : nous connaissons mal Boris Titchenko en Occident. Ce CD à prix doux édité par Naxos dans sa collection 20th Century Russian permet de combler cette lacune, et de partir à la rencontre de ce compositeur né en 1939. Nous éviterons d'entrée de jeu plusieurs poncifs possibles, propres aux mauvaises habitudes stylistiques de la critique musicale, voulant par exemple que Titchenko fut dans l'URSS des années soixante et soixante-dix un enfant terrible de la musique soviétique, ou encore voulant que ce cher Boris soit le fils spirituel de Dmitri Chostakovitch.

Professeur au conservatoire de Saint-Pétersbourg depuis le milieu des années quatre-vingt, Titchenko a eu la chance de recevoir lui-même, durant les années Khrouchtchev, les enseignements de deux géants de la musique soviétique : Galina Oustvolskaïa et Dmitri Chostakovitch, au sein de ce que l'on appelait encore le conservatoire de Leningrad. Qu'en est-il resté ? Longtemps adepte d'un certain ascétisme musical, mais sans vrai minimalisme, Titchenko, d'abord moderniste s'est assagi avec l'âge et les événements. Son catalogue comporte plus de cent trente opus, dont une dizaine de sonates pour piano, une demi-douzaine de quatuors à cordes, onze œuvres symphoniques, des œuvres concertantes dont un Concerto pour violoncelle, dix-sept instruments à vent, percussions et orgue dédié à Rostropovitch (pièce qui a miraculeusement passé le rideau de fer dans le coffret Russian Years de Rostro, EMI 1997).

Dans l'œuvre purement symphonique de Titchenko nous connaissions surtout sa Symphonien°3 (1966) pleine de modernisme, et d'une réflexion intéressante, en acte, sur l'avenir de la tonalité dans l'union soviétique déstalinisée. Avec sa Symphonie Op.119 n°7 (1994), il semble vouloir rendre un hommage à son maître, l'immortel compositeur de Lady Macbeth, en des termes d'un conformisme confondant, à grand renfort de percussions à la soviétique et de musique de fanfare. Constitué de cinq mouvements (sans indication de caractères), cette longue pièce symphonique de plus de cinquante-deux minutes fait penser à un marathon olympique, de par ses dimensions et l'effort que demande son audition intégrale. Certains passages, notamment des deux premiers mouvements, semblent des références directes à l'œuvre de Chostakovitch – sa quinzième et dernière symphonie – et d'autres pages de cette partition font penser à Stravinsky ou au dernier Bernstein. Mais l'ensemble est bien fade : pourquoi livrer en 1994 ce demi-plagiat, ce pastiche de Chostakovitch, mal ficelé et laborieux ? Quel intérêt artistique ?

On sauvera du naufrage le troisième mouvement, une longue plainte charmante d'où se détachent le hautbois et le violon alto ; et peut-être aussi certains passages méditatifs de la dernière section. Le reste sombre dans le grotesque, parfois jusqu'à l'outrance. Que penser du final ? Titchenko l'a t-il écrit pour la brigade de musique militaire des sapeurs-pompiers de Saint-Pétersbourg ? Est-il au premier ou au second degré ? Évidemment on nous expliquera que ce grotesque est parodique et que Titchenko veut dépeindre une Russie post-soviétique confrontée parfois à la décadence et aux excès. Mais non. Soyons sérieux : Titchenko, ici, ne s'exprime pas sur l'histoire de son pays, même la Russie de Poutine ne mérite pas des œuvres aussi grossières, il rend plutôt un hommage décevant à Chostakovitch, qui manifestement pouvait attendre meilleur héritage. Au terme du final (à la rigueur, n'écoutez que cela…), on se gardera bien de se moquer des applaudissements épars et dispersés du public parfaitement endormi dans la grande salle du Conservatoire de Moscou où cette symphonie a été enregistrée live.

Dmitri Yablonski, un jeune chef habitué des productions Naxos et Marco-Polo défend avec opiniâtreté et professionnalisme cet opus décevant. L'enregistrement live DDD, réalisé en 2002, rend parfaitement justice à l'Orchestre Philharmonique de Moscou. Le livret est en anglais et allemand.

FXA