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Bruno Mantovani
Time stretch – entretien
Intitulé Time stretch, du nom d’une pièce orchestrale créée en 2006 [lire notre chronique du 20 janvier 2022], cet entretien récent avec son architecte permet à François Meïmoun de faire apparaître plusieurs Mantovani – dont les ascendants, que nous évoquerons plus loin –, mais surtout plusieurs Bruno, ne serait-ce que parce qu’à l’instar d’Auber, cher à son cœur, le compositeur (né à Châtillon en 1974) a dirigé le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris (CNSMD), d’août 2010 à juillet 2019.
Démarrons avec le début de carrière. Rôle-titre de Tistou les pouces verts (Sauguet, 1981) à l’âge de huit ans, Mantovani se forme d’abord à Perpignan auprès de Christophe Maudot, puis à Paris, vers la fin de l’adolescence, avec Alain Louvier, Paul Mefano, Rémy Stricker et, surtout, Guy Reibel (« il m’a décomplexé et m’a responsabilisé »). Il trouve aussi sa nourriture dans des émissions télévisées qui allient simplicité d’expression et élévation intellectuelle (Boucourechliev, Boulez), ainsi que dans des lectures majeures pour se connaître lui-même (Bachelard, Foucault, Schaeffer, etc.).
Bruno Mantovani commence la composition avec l’électroacoustique, mais l’inertie du studio lui pèse. « L’acte d’écrire est plus concret et vivant », explique celui qui préfère la virtuosité à l’ascétisme et se réjouit que l’époque affiche moins d’écoles et d’interdits esthétiques. En hédoniste, il associe la création à la légèreté, à la pulsion, et refuse de s’obstiner sur une œuvre qui résiste, d’autant qu’il ne vise pas à la perfection et se moque de la postérité. Pour se sentir satisfait, mieux vaut pour lui commencer une nouvelle page que réviser les anciennes.
Lorsqu’il prend la tête d’un orchestre ou d’un établissement, c’est moins pour dominer que par pragmatisme : « exercer le pouvoir, c’est donner aux autres les outils pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes », assure Mantovani. Plusieurs passages évoquent les progrès que fit ce dernier au pupitre de chef, d’autres les aménagements apportés au CNSMD, tels des liens resserrés entre interprètes et histoire de la musique, musicologie et création, etc. Pour lui, le futur ne s’envisage pas sans efforts ni racines dans le passé.
Enfin, petit-fils d’immigrés économiques et politiques, Bruno Mantovani s’affirme un citoyen ennemi du consensus actuel, terreau pour l’extrême droite. Il dénonce un ministère sans désir pour l’art sonore, la dérive de la culture vers le divertissement, le poids de l’image à l’opéra, etc. Il se reconnaît volontiers dans cette « volonté de démocratiser l’élitisme » avancée par son confrère et musicologue François Meïmoun, lui pour qui « valoriser la culture est une démarche humaniste ».
LB