Chroniques

par laurent bergnach

Cécile Chaminade
pièces pour piano

1 SACD MDG (2015)
MDG 904 1871-6
Le pianiste Johann Blanchard joue Cécile Chaminade (1857-1944)

Née dans une famille parisienne qui tient salon Rue de Rome, Cécile Chaminade (1857-1944) voit ses dons précoces encouragés. C’est ainsi que Bizet, voisin de celle qui écrit de la musique sacrée à l’âge de huit ans et qu’il surnomme « mon petit Mozart », lui conseille d’étudier avec Félix Le Couppey, professeur au conservatoire. Rétif à une formation si peu bourgeoise, le père accorde néanmoins des cours en privé avec Godard (composition), Savard (harmonie), Marsik (violon), en plus du pianiste évoqué. Il faut d’ailleurs attendre un voyage paternel pour que la jeune fille puisse rencontrer le public de la salle Pleyel, en 1877, dans un Trio (Beethoven ? Widor ?... comme souvent avec le « dossier Chaminade », les sources divergent). L’année suivante, elle présente ses propres pièces.

Retirée de la vie musicale durant la Première Guerre mondiale, Cécile Chaminade est alors considérée comme une personnalité éphémère et salonarde qui fut certes appréciée dans de nombreux pays, de la Turquie au Canada, mais indigne de figurer dans un ouvrage spécialisé. Pourtant, il convient de revoir la valeur de la musicienne, interprète qui enregistra dès 1901 et auteure de près de trois cent cinquante œuvres, dont un opéra-comique (La Sévillane, 1882), un ballet (Callirhoë, 1888), une symphonie lyrique (Les Amazones, 1888), une centaine de mélodies et le double de pièces pour piano. Neuf de ces dernières composent le présent programme.

Une première partie présente des pages de jeunesse influencées par Liszt, Études de concert Op.35 (1886) et Étude symphonique Op.28 (1890), ainsi que Sonate en ut mineur Op.21 (1895), unique contribution au genre où percent l’influence du romantisme allemand (Beethoven, Brahms, Schumann) mais aussi l’accointance avec les cadets russes (Rachmaninov, Scriabine). Viennent ensuite Étude mélodique Op.118, Étude pathétique Op.124 (1906), Étude romantique Op.132 (1909), Étude humoristique Op.138, Étude scolastique Op.139 (1910) et Souvenir d’enfance, jamais édité et gravé ici pour la première fois, qui renouvellent en partie les sources d’inspiration, Mendelssohn cédant la place Fauré.

C’est grâce à des archives familiales que Johann Blanchard (né en 1988) apprend à connaître la musique de Chaminade, via partitions éditées et inédites : en effet, son propre père a étudié le piano à Paris avec un élève de Long et Cortot, Wilfrid Maggiar, lequel la joua beaucoup dans ses dernières années. Enthousiasmé par « la grande variété du langage musical et la diversité des genres » de ce répertoire pour piano, l’Allemand d’adoption a décidé d’en enregistrer « le plus exigeant », sur un Steinway Concert Grand Piano D, 1901, où rutilent ses qualités de jeu – clarté, virtuosité, délicatesse, etc. Pour un plaisir complet, la renaissance d’une créatrice s’accompagne donc de la découverte d’un pianiste émérite.

LB