Chroniques

par samuel moreau

Camille Saint-Saëns
Hélène – Nuit persane

2 SACD Melba Recordings (2008)
MR 301114-2
Camille Saint-Saëns | Hélène – Nuit persane

Avec Hélène, Camille Saint-Saëns s'abandonne une nouvelle fois à sa passion pour la civilisation gréco-romaine, à la suite d'œuvres telles Prologue d'Antigone, Le Rouet d'Omphale, Phaëton, La Jeunesse d'Hercule et Déjanire. C'est Raoul Gunsbourg, directeur du théâtre de Monte-Carlo, qui lui propose d'écrire une œuvre lyrique en un acte, en lui laissant le choix du sujet. Une idée refait surface alors : celle d'utiliser l'histoire de qui déclencha la guerre de Troie, à laquelle avait déjà songé le compositeur des années plus tôt, au moment où Offenbach triomphe avec sa Belle Hélène. Il peut désormais mettre en musique sa propre vision du mythe : « Hélène fuyant dans la nuit, arrivant, brisée, à bout de forces, au bord de la mer, loin de son palais, rejointe par Pâris ; la scène de passion, la résistance enfin vaincue, la fuite suprême des deux amants après une lutte désespérée ». Et d'ajouter : « Car jamais je n'ai pu voir dans Hélène la femme simplement amoureuse. C'est l'esclave du destin, la victime d'Aphrodite immolée par la déesse à sa gloire. C'est une haute figure dont la faute n'éveille pas la raillerie, mais plutôt une terreur sacrée ».

En février 1903, douze jours suffisent au musicien – installé au milieu de l'isthme de Suez – pour élaborer son livret. Quant à elle, la composition se poursuit dans différents lieux (Paris, Mont-Revard), pour s'achever le 11 octobre. La création d'Hélène a lieu a Monte-Carlo, le 18 février 1904, accompagnant une reprise de La Navarraise de Massenet. Le poème lyrique se divise en sept scènes et quatre tableaux. Le succès s'amplifie au fur et à mesure des représentations à la Scala de Milan (novembre 1904), à Francfort puis à l'Opéra Comique (janvier 1905) et, enfin, bien plus tard, l'Opéra Garnier (juin 1919).

Soprano lyrique à l'aigu fulgurant amorti avec beaucoup de moelleux, Rosamund Illing incarne efficacement le rôle-titre. Aussi séduisante s'avère Leanne Kenneally (Vénus), au timbre plus cristallin. Malgré une diction moins convaincante que ses consœurs et un aigu un peu étroit, Steve Davislim (Paris) livre un chant souplement élégant. Le contralto Zan McKendree-Wright (Pallas) complète cet agréable quatuor vocal. À la tête de l'Orchestra Victoria, Guillaume Tournaire propose une direction dynamique autant que nuancée.

Nuit persane Op.26b trouve son origine dans un recueil de six mélodies pour voix et piano (1870) que Saint-Saëns avait tiré d'un livre d'Armand Renaud. Alors installé à Alger, du 21 novembre au 26 décembre 1891, le musicien orchestre cinq des mélodies initiales, y ajoutant La Fuite et Les Cygnes et une sorte de scénario qui les relierait toutes. L'originalité réside dans la diversité des combinaisons vocales adoptées. Confiée à Édouard Colonne, la création a lieu au Théâtre du Châtelet, le 14 février 1892. Face au succès rencontré, on décide de rejouer l'œuvre une semaine plus tard. Pour cette version, on retrouve le ténor (malheureusement inégal) et le contralto entendus précédemment, accompagnés du Belle Époque Chorus et de la narratrice Amanda Mouellic, tous deux d'une grande assurance.

SM