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Chroniques
Charles Ives
pièces pour piano
À partir de 1910, Charles Ives décide d'écrire des œuvres symphoniques qui célébreraient les Hommes de la Littérature. Il commence avec Emerson Overture for Piano and Orchestra, Hawthorne Piano Concero et Alcott Overture. Le projet est abandonné, mais une sonate en quatre mouvements voit le jour à la place, cette « Concord, Mass., 1840-60 » qu’Ives décrit en ces termes : « Des images impressionnistes de Emerson et Thoreau, une esquisse des Alcotts et un scherzo qui refléterait une lumière souvent rencontrée dans la part fantastique de Hawthorne ».
Le compositeur éprouvera le besoin d'une ultime simplification de ce portrait musical d'une grande densité : c'est la version des années quarante, ici enregistrée (il existe aussi une mouture pour piano, alto et flûte). Steven Mayer propose une lecture assez inattendue de l'œuvre, volontiers fantaisiste, pour tout dire. La musique de Charles Ives n'est certainement pas ce que l'on peut appeler une musique facile, loin s'en faut ; pourtant, le pianiste s'ingénie à n'en faire sonner que le plus simple, comme par une peur superstitieuse de sa complexité intrinsèque. Le résultat pourrait bien se comparer à un clair café nord-américain servi dans un mug publicitaire au fond duquel gisent quatre ou cinq morceaux de sucre ! Techniquement irréprochable, Steven Mayer passe à côté de l'œuvre en défendant une vision simpliste et presque racoleuse. On est loin du beau travail de Marc-André Hamelin…
Autres pièces à ce programme : la première des Four transcriptions from « Emerson » est une réécriture du premier mouvement de la sonate, en reprenant des éléments de l'orchestration originelle. De même The Celestrial Railroad est-il une adaptation du passage consacré à Hawthorne – un homme s'assoupit et rêve d'un train merveilleux mais angoissant s'acheminant vers la Cité Céleste. Enfin, Varied Air and Variations est la troisième partition indépendante pour piano à trouver son inspiration dans la Sonate de 1920-21 ; elle articule une série de cinq variations sur un thème atonal, une mélodie que le chromatisme alambiqué rendra pratiquement impossible à siffloter ou à mémoriser, et qui parodie sympathiquement la cérémonie du récital pianistique.
Si Steven Mayer est certainement plus d'à-propos dans ces trois œuvres que dans la Sonate n°2, c'est sans conteste dans Varied Air and Variations qu'on appréciera son jeu et son style à leur juste valeur.
HK