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Chroniques
Charles Koechlin
cycles pour piano
Les cycles pour piano de Charles Koechlin (1867-1950) contiennent environ une dizaine d'œuvres chacun ; c'est dire l'importance de cet instrument confident dans l'écriture du musicien. Même si la plupart sont antérieurs à 1924, le piano semble très lié à la créativité du compositeur et théoricien français : on a retrouvé quelques manuscrits dont la mise en forme est celle d'une réduction pour piano, alors que la destination est incontestablement instrumentale ou orchestrale.
Courts morceaux en forme de rêve... C'est avec ce titre à la Satie – dont Koechlin appréciait « la naïveté ironique » – que l'on pourrait sous-titrer cet enregistrement où deux types de pièces dominent : celles issus d'un thème populaire (pour les mouvements les plus rapides) et les autres, écrites de façon plus libre, parfois même sans thème directeur. L'ambiance générale est poétique sinon méditative, et l'influence de Bach assez sensible.
Les Cinq Sonatines Op.59 sont de construction plutôt classique, le désir d'un cadre formel apparaissant nettement. Ce qu'on y relève de caractéristique, c'est la progression des miniatures du début aux mouvements suivants qui s'amplifient – rappelant le savoir-faire orchestral du compositeur. La pianiste Mireille Guillaume décline ces brèves œuvres, tenant d'ailleurs plus de la suite, à partir du gracieux et virevoltant Allegro initial de la Première jusqu'au Final nettement abouti de la Cinquième, en passant par l'articulation feutrée et tendre de la Sicilienne de la Deuxième, les couleurs debussystes du premier mouvement de la Troisième, les faux airs d'un Lied schumanien de l'Andante de la Quatrième et son Rondeau un rien baroque, n'omettant pas de rappeler à l'auditeur, par une certaine manière de faire sonner les basses de l'Andante de la dernière sonatine, que Koechlin écrivit beaucoup pour l'orgue. Plus libres dans le choix du caractère de chaque mouvement, les Nouvelles Sonatines Op.87 reviennent à des formes plus modestes, mais en y mêlant cette richesse mélodique qu'on trouve dans les Esquisses. Koechlin a plusieurs fois mentionné ces pièces comme ayant marqué sont évolution de créateur. On appréciera particulière le très beau travail de nuances effectué sur le Moderato qui ouvre la première sonatine de cet opus, suivi d'un Andante moderato pudiquement nostalgique puis d'une sorte de chanson enfantine d'une grande fraîcheur, pour s'achever sur un allegro assez carmagnolesque. Plus loin, on goûtera quelques hommages discrets à Rameau, Couperin, et bien sûr Bach.
Dominées par une majorité de mouvements compris entre adagio et moderato, les Douze Esquisses op.47 n°1 (1ère série) nous proposent un paysage musical tempéré, presque romantique, où se lisent des réminiscences de Chopin. Mais, comme dans la série qui suivra – (2ème série) –, c'est l'affirmation du contrepoint à la française qui est remarquable. On y entendra à plusieurs reprises des affinités avec Fauré (plage 6 du deuxième disque), de Séverac (plage suivante), plus évidemment Debussy et même Liszt, sans oublier Duparc (plage 35 du premier CD et plage 2 du second), Satie et même Poulenc ! Indéniablement, Mireille Guillaume est moins à l'aise avec ces promenades dans la brièveté desquelles elle parvient mal à raconter quelque chose, et où elle se perd parfois dans un jeu un rien affecté.
Les Pastorales Op.77 favorisent elles aussi la forme miniature (rarement plus d'une minute, exceptionnellement deux). Là, rien de romantique, mais au contraire un dépouillement plus méditatif et symboliste. Le côté chanson villageoise est nettement exploité, avec certaines harmonies assez étranges (plage 21 du premier CD).
Concision, enfin, pour les Chants de Kervéléan Op.197. Composée durant la Seconde Guerre mondiale d'une écriture allégée, l'œuvre est un bel équilibre entre mélodie, contrepoint et harmonie. Elle témoigne également de la quête mystique d'un musicien arrivé à l'hiver de sa vie. L'Invocation est une belle et calme élégie qui va son bonhomme de chemin avec quelques accès de passion, sans exclure des résolutions toutes médiévales. Elle gagnerait cependant à être jouée avec moins d'emphase, plus directement. En revanche, la pianiste amorce un deuxième mouvement (Le Calme et la Splendeur dans la Nature) dans un superbe pianissimo.
AB