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Chroniques
Christian Ludwig Boxberg
Sardanapalus | Sardanapale
Avant d’être le siège d’une sanglante bataille durant la guerre de Sept Ans (1756-1763), Sondershausen (Thuringe, Allemagne) voit naître Christian Ludwig Boxberg (1670-1729), compositeur que le temps a laissé dans l’ombre de Bach, comme tant d’autres. Fils d’un organiste de cour, le musicien fait son apprentissage à la Thomasschule (école de la paroisse Saint-Thomas, Leipzig), sous la direction du cantor Johann Schelle (1648-1701) – également professeur de Graupner, Heinichen, Keiser et Zachow. Il rejoint ensuite le maître de chapelle Nicolaus Strungk (1640-1700), pionnier de l’opéra dans la ville de Leibniz, et collabore à des livrets inspirés de modèles italiens.
La fuite puis la mort de Strungk laissent à Boxberg tout loisir de s’épanouir comme compositeur d’opéra – Amyntas et Phyllis (1700), Athanagilda (1701) –, avant qu’un procès perdu contre des héritiers l’amène à renoncer à la scène pour devenir organiste à Görlitz, de 1702 à son trépas. Sardanapalus (1698) est créé à la cour d’Ansbach, sans autre occasion particulière que l’amour de l’art du jeune margrave Georg Friedrich II. Par hasard, la bibliothèque municipale a conservé texte et musique de ce qui s’avère l’un des plus anciens ouvrages lyriques en langue allemande. Ses trois actes mettent en scène l’Assyrien Sardanapale (VIIe siècle avant J.-C.), auquel la légende attribue ces mots : « je n’ai fait que manger, boire et m’amuser bien, et j’ai toujours compté tout le reste pour rien ».
Dieu furieux au début du Prologue, Mars se calme et propose une leçon prenant pour sujet Sardanapale, souverain aux vices infâmes mais instructifs. De classiques chassés-croisés amoureux se découvrent au premier acte, tandis que le rôle-titre se moque de la défaite de ses ennemis et chante une luxure supérieure à tout travail. Le début de l’Acte II le montre d’ailleurs dans un sérail, déguisé en femme. Tout autour, des amants se déchirent et se retrouvent. Occupé tout entier à se divertir, Sardanapale comprend trop tard l’invasion de la ville et, rétif à la reddition, s’immole sur un bûcher avec ses richesses. Pour régler enfin leurs différents, les autres protagonistes préfèrent la paix à la vengeance.
Enregistrés lors de représentations du Wilhelmatheater (Stuttgart), à l’aube du printemps 2014, trois ténors (Jan Kobow, Sören Richter et Philipp Nicklaus), trois soprani (Rinnat Moriah, Cornelia Samuelis et Kirline Cirule), deux basses (Markus Flaig et Felix Schwandtke), le mezzo Theodora Baka et le contre-ténor Franz Vitzthum se partagent les seize rôles de l’ouvrage. Malheureusement, leurs atouts bien inégaux gâchent cette redécouverte – trop de soucis de justesse, de diction brouillonne, de vocalises ruinées, pour quelques voix mémorables. Pour sa part, Jörg Meder conduit avec moelleux l’United Continuo Ensemble dans une œuvre estimable qui se nourrit de l’air du temps (Lully, Charpentier, Händel, etc.).
LB