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Chroniques
Christian Wasselin
Clara, le soleil noir de Robert Schumann
Assez régulièrement, le lecteur rencontre des biographies romancées de personnages historiques. Qu'il s'agisse d'un général, d'un homme politique ou d'un peintre, l'exercice non seulement autorise mais impose un ton plus familier, abolit les distances du strict rapport scientifique. En ce qui regarde les musiciens, on se souvient du Tchaïkovski de Nina Berberova qui, pour utiliser une documentation foisonnante et une certaine proximité, ne se prive pas d'imaginer situations et dialogues, mis en scène par la veine littéraire qu'on lui connaît. On se rappellera également le Ravel de Jean Echenoz, les Lettes clandestines avec lesquelles Pierre Mertens investit la mémoire d'Alban Berg, La Rencontre de Lübeck où Gilles Cantagrel fait parler Dietrich Buxtehude et Johann Sebastian Bach ou encore L'ivre d'orgue dont Vincent Lajoinie fait de Louis Marchand le héros.
Les éditions Scali lancent aujourd'hui une nouvelle collection de romans historiques à sujets musicaux avec ce Clara, le soleil noir de Robert Schumann. Ravissant immédiatement une lecture affectée, Christian Wasselin parvient aisément à faire partager ce qui, dans sa connaissance du compositeur et de l'œuvre mais aussi de la culture allemande et du contexte romantique, l'inspire intimement. Voilà donc un de ces volumes qui ne quittent qu'entièrement lu les mains qui l'ouvrirent ! On s'y attache au père grand rêveur, libraire, et traducteur de Walter Scott et de Byron, et bientôt aux passions parfois troubles qui traversent l'adolescent Robert.
Grâce à un lyrisme contenu qui sait s'observer par un humour discret, l'auteur nous fait pénétrer le destin d'un étrange voyageur à l'enthousiasme morbide. Pour sensible qu'il soit, le ton du récit n'est pas sombre, ou peut-être n'est-il jamais si sombre, au fond, que lorsqu'il rit férocement du vieux caniche apoplectique de la veuve Richter, par exemple. Valse obsessionnelle des prénoms, femmes impossibles, fascination incestueuse et maladies amoureuses animent la fièvre bientôt permanente d'un artiste qui se marierait en vain au large lit du Rhin avant que de s'éteindre dans la compagnie des énervés d'Endenich.
BB