Chroniques

par samuel moreau

Christoph Willibald Gluck
Orfeo ed Euridice | Orphée et Eurydice

1 DVD Warner Vision zones 2, 3, 4, 5, 6 (2004)
5050467-3921-2-0
au Festival de Glyndebourne, en 1982

Christoph Willibald Gluck composa deux fois son opéra Orfeo ed Euridice ; pour Vienne tout d'abord, en 1762, avec le contralto castrat Guadagni dans le rôle-titre et dans une version courte, puis pour Paris, quelques années plus tard, en 1774, avec des adaptations et l'ajout d'un air de bravoure pour faire briller le ténor Legros, à la fin du premier acte. Le livret, souvent cité pour ses qualités littéraires, est de Ranieri de Calzabigi. Après cette première collaboration, cet homme de lettres italien devint un ardent défenseur de la réforme mélodramatique prônée par Gluck. Hector Berlioz, avec l'aide de Saint-Saëns, tenta un compromis entre les deux versions de l'œuvre qu'il allait diriger au Théâtre-Lyrique, en 1859. La seconde version fut favorisée, mais il transposa la partition d'Orfeo pour un alto féminin (la chanteuse Pauline Viardot Garcia). L'opéra sans recitativo secco, ne chantant que le désespoir et la joie amoureuse d'un homme, rencontre depuis sa création le succès et l'admiration de plus d'un mélomane. L'excellent Raymond Leppard conduit le London Philharmonic sans décevoir notre attente.

« Les histoires contées par les opéras sont parfois compliquées et parfois très amusantes, rappelle Dame Janet Baker en préambule à la représentation. Celle-ci est simple, directe et très pertinente ». En 1982, la mezzo-soprano anglaise décidait de mettre un terme à sa carrière à l'opéra, et choisissait la production du Festival de Glyndebourne pour y faire ses adieux. Et quel beau cadeau pour ses admirateurs ! Un tel rôle-titre ne se rencontre pas souvent dans l'histoire de la scène, et c'est donc quasiment en continu que nous nous régalons de son chant à l'émission évidente et de sa diction parfaite. Elisabeth Speiser (Euridice) possède une belle puissance vocale, mais la voix semble paradoxalement colorée d'un lyrisme trop vériste. Elizabeth Gale incarne brillamment un Amour qui ne souhaite pas qu'on doute de lui.

Le décor, qui joue entièrement sur une antiquité arcadienne, avec ses personnages de bergerie et ses ombres élyséennes aux allures de statues, contribue à rendre réaliste cette quête douloureuse. On apprécie la scène d'entrée aux Enfers, qui tranche avec l'abattement qui lui précédait ; en revanche le final too much aurait pu nous épargner l'inutile remplissage de faire intervenir l'assemblée des Dieux et la farandole du chœur : Peter Hall s'en était très bien sorti jusque-là avec des danseurs et des acrobates talentueux. Cette faute de goût lui sera pardonnée si on le prend comme un cadeau d'adieu fleuri à une artiste exemplaire.

SM