Chroniques

par laurent bergnach

Christoph Willibald Gluck
Alceste

1 DVD Arthaus Musik (2007)
101 251
production du Staatsoper Stuttgart, 2006

En 1774, alors sexagénaire, Christoph Willibald Gluck s'engage à composer six ouvrages lyriques pour l'Académie Royale de Musique de Paris, preuve que sa réforme de l'opéra avait marqué les esprits et les modes. Outre les œuvres originales qu'il livre successivement – Iphigénie en Aulide (1774), Armide (1777), Iphigénie en Tauride (1779) –, le compositeur remanie celles créées à Vienne, sur un livret de Ranieri de Calzabigi – Orfeo ed Euridice (1762) et Alceste (1767). La version italienne de cette dernière, déjà bien éloignée de la tragédie originale d'Euripide, laisse plus de place encore au rôle-titre que tient Rosalie Levasseur, ce 23 avril 1776. Une fois encore, l'interprète de prédilection de Gluck participe à sa lutte contre les abus modernes ; en effet, comme il le confesse dans la préface de l'ouvrage, il entreprit d'écrire Alceste « avec la résolution d'écarter tous les abus jusqu'ici introduits par la vanité déplacée des chanteur ou la trop grande complaisance des compositeurs, et qui ont pendant si longtemps défiguré l'opéra italien et rendu le plus splendide et le plus beau des spectacles simplement le plus ridicule et le plus ennuyeux ».

Avec cette production du Staatsoper Stuttgart, datant de 2006 et ayant opté pour l'opéra tragédie plutôt que pour la tragédie en musique originelle, la volonté gluckienne se voit plutôt respectée. Serge Morabito et Jossi Wieler ont favorisé un décor sobre pour mettre en valeur notamment un chœur omniprésent mené par Catriona Smith. Le roi ayant exposé sa vie pour eux plus de cent fois, ses sujets semblent sinon des amis, du moins des proches de la cour, vivant au rythme des événements du palais. La présence d'un téléviseur, celle des deux jeunes princes dans leurs jambes – dont l'un fait l'apprentissage du pouvoir par le truchement d'un lionceau en peluche – renforce la familiarité entre deux univers rarement aussi perméables. En apparaissant rapidement derrière une cloison repliée, un temple d'Apollon d'allure luthérienne met en avant une autre proximité nécessaire au déroulement de l'histoire : celle de la religion.

Très à l'aise dans cette maison allemande dont elle fut membre de 1997 à 2003, Catherine Naglestad ravit par l'ampleur et la rondeur de son chant. Admirons sa clarté sur Ah ! Malgré moi..., au cours d'un deuxième acte qui la verra complètement hallucinée, suite à une prise de sédatifs. Pas toujours droit, Donald Kaasch nuance un Admète au timbre caressant. D'une voix saine – quoique éraillée lorsqu'il joue Thanatos –, Johan Rydh incarne un Grand Prêtre des plus vaillants. Outre l'Hercule attachant de Michael Ebbecke, évoquons l'honnête Evandre de Bernhard Schneider, le Héraut fatigué de Wolfgang Probst et l'Apollon assez quelconque de Motti Kastón. Avec sa direction ample, délicate et nuancée, Constantinos Carydis se montre respectueux du travail réalisé sur scène.

LB