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Chroniques
Christoph Willibald Gluck
Orphée et Eurydice
Dans son récent Journal d'une année noire (Seuil, 2008), J.M. Coetzee (Prix Nobel de littérature 2003) prête cette pensée à un narrateur doutant de la puissance de l'amour et de la sérénité qu'apporte l'autre monde :
« On a mal compris l'histoire d'Eurydice. En fait, le sujet de l'histoire est la solitude de la mort. Eurydice est en enfer dans la vêture de la tombe. Elle croit qu'Orphée l'aime assez pour venir la sauver. Orphée vient en effet. Mais, en fin de compte, l'amour qu'éprouve Orphée n'est pas assez fort. Orphée laisse là sa bien-aimée et retourne à sa propre vie. L'histoire d'Eurydice nous rappelle que, dès l'instant de notre mort, nous perdons tout pouvoir de choisir nos compagnons. Nous sommes emportés vers le sort qui nous est destiné ; il ne nous appartient pas de décider aux côtés de qui nous passerons l'éternité. »
Pour cette production munichoise du Bayerische Staatsoper (2003), Nigel Lowery et le chorégraphe Amir Hosseinpour proposent au défunt la compagnie de cuisiniers infernaux – dans une composition scénique qui, tout en restant moderne, rappelle Jérôme Bosch – et celle d'adorables animaux, égayant des Champs-Élysées aux couleurs pastels.
Si l'on regrette le manque de stabilité et de corps de Deborah York (Amour à la diction perfectible), les minauderies grimaçantes de Rosemary Joshua (Eurydice), on est saisi, en revanche, par la prestation de Vesselina Kasarova (Orphée). On n'en finirait pas de détailler ses qualités : chaleur et couleur du timbre, phrasé généreux, grave musclé, agilité malgré la lourdeur de la voix, nuances pleines de tendresse, etc. Le mezzo paraît d'autant plus plausible en homme que l'on banalise la convention en travestissant les autres femmes du premier acte.
Près d'un siècle après sa création parisienne (1774), Orphée et Eurydice connut un nouveau succès lors de sa reprise convoquant le mezzo Pauline Viardot et Hector Berlioz en conseiller artistique (1859). Intelligemment articulé et précis à la tête du Bayerische Staatsorchester, Ivor Bolton rend compte de l'épaisseur berliozienne des changements apportés par le Français dans l'instrumentation de son confrère (et idole)allemand.
LB