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Chroniques
Claude Abromont
La Symphonie fantastique – Enquête autour d’une idée fixe
Voilà bien de ces lectures que l’on dévore sans mesure ! À la fois exploration d’un compositeur et des personnages qui l’entourent, vus à travers les nombreuses traces qu’il nous en a laissé, et portrait d’une idée fixe qui conduit à l’accomplissement du romantisme symphonique, cette enquête, riche en suspense comme en rebondissements, est bravement menée par l’inspecteur Abromont !
Tout ce qu’il faut savoir sur la Symphonie fantastique est dûment repris, mais encore tout ce que d’aucuns tenaient pour su, voire pour sûr, est scrupuleusement vérifié et parfois même invalidé. Au regard du désir de reconnaissance de Berlioz par sa famille peut-être plus encore que par ses contemporains, une galerie d’écrivains se profile derrière le programme de cet épisode de la vie d’un artiste souvent lyrique, volontiers féroce, que l’auteur aborde avec le bagage musicologique et historique attendu qu’il manipule en faisant « occasionnellement appel à la psychanalyse », dit-il. Entre la découverte en France des symphonies de Beethoven et la timide audace de Schumann à se frotter au genre dont état des lieux est ici dressé, le compositeur français, délaissant l’opéra auquel tous sacrifient pourtant, le brave en quasi-aventurier : il ose le programme, dramaturgie avouée, presque libretto, que hante l’actrice irlandaise Harriet Smithson.
Le passionnant ouvrage de Claude Abromont appréhende son sujet par cinq entrées – l’origine du son, l’imitation d’un phénomène, la référence stylistique, l’allusion à une musique connue et le cryptage (procédé non appliqué, cela dit) – qu’il contextualise minutieusement dans l’histoire de la musique et dans le parcours berliozien, alors dominé par les figures tutélaires que sont Virgile et Shakespeare, et par une bataille littéraire à beaucoup influencer le musicien, celle d’Hernani (1830). Avec Hugo l’on rencontre Quincey dont les Confessions of an english opium-eater (1821), parues dans une traduction de Musset en 1828 – avant que Baudelaire s’en inspirât pour ses Paradis artificiels (1860) – fournit l’idée de l’empoisonnement à l’opium comme anecdote centrale de l’opus 14.
Entre inserts biographiques, récit de la réception de l’œuvre en son temps et enjeu amoureux de son signataire, le livre avance bientôt vers un guide d’écoute en bonne et due forme qui, outre de rappeler le programme précis de chaque mouvement, en détaille le schéma formel en bousculant les idées reçues. L’analyse est jalonnée de remarques sur différentes interprétations disponibles sur CD – celles de Claudio Abbado (1984) et de Jos Van Immerseel (2010) s’y trouvent vivement conseillées. De même n’hésitons-nous pas un instant à recommander cet essai (dédié à la mémoire de Claude Baillif) à nos lecteurs !
BB