Chroniques

par michel tibbaut

Claude Debussy
transcriptions pour orchestre

2 CD Talent Records (2005)
DOM 381004/05
Claude Debussy | transcriptions pour orchestre

La musique de Claude Debussy a toujours fasciné compositeurs et chefs d'orchestre au point d'être tentés d'en instrumenter les pièces pour – ou avec – le piano. Le plus célèbre d'entre eux, Maurice Ravel, n'a pas hésité à confier à l'orchestre la Danse « Tarentelle Styrienne » et la Sarabande, partie médiane de Pour le Piano. Des amis proches de Debussy ont fait de même : André Caplet avec La Boîte à Joujoux, Children's Corner et Clair de Lune ; Désiré-Émile Inghelbrecht avec le Noël des Enfants qui n'ont plus de Maison. Il convient également de mentionner Ernest Ansermet pour les Épigraphes Antiques, Henri Büsser pour Printemps et la Petite Suite, Charles Koechlin pour le ballet Khamma, Roger-Ducasse pour la Rhapsodie pour saxophone alto. Citons enfin H. Mouton avec les Deux Arabesques, Bernardino Molinari avec L'Isle Joyeuse, William Gleichmann avec La Fille aux Cheveux de Lin, et deux musiciens quelque peu excentriques : Percy Grainger avec Pagodes et Bruyères, et Leopold Stokowski avec La Soirée dans Grenade et La Cathédrale Engloutie.

Ce qui nous amène tout naturellement à évoquer les deux livres des Préludes pour piano. Si des compositeurs comme Hans Henkemans, Hans Zender, Colin Matthews ou Niels Rosing-Schow se sont appliqué à transcrire quelques pages des deux cycles, il semble bien que le Belge Luc Brewaeys (né en 1959) soit le premier à avoir orchestré l'ensemble des deux séries totalisant vingt-quatre Préludes. Pianiste, Luc Brewaeys s'est depuis longtemps imprégné de ces merveilleuses pages sous leur forme originale, et il les a transcrites pour grand orchestre de 2002 à 2004 pour le premier livre, et de 2004 à 2005 pour le second. Il est toutefois curieux qu'il ait appelé cette démarche « Recomposition pour orchestre symphonique », alors que ses propos sont clairs : « … Je me suis imposé de ne pas retoucher les notes que Debussy avait écrites. Ainsi, par exemple, on ne trouvera aucune octave qui n'ait été écrite par le compositeur lui-même. Je reste extrêmement fidèle au texte original, ainsi que dans les passages forte où la tentation est grande d'ajouter des notes afin d'obtenir un plus grand effet orchestral ».

Le résultat est pour le moins impressionnant, surtout grâce à une prise de son exceptionnelle qui apporte à cette musique toute la dynamique, la chaleur et les couleurs chatoyantes nécessaires à son épanouissement. Mais aucune prise de son n'a de sens si les interprètes ne sont à la hauteur, et en l'occurrence, l'Orchestre Philharmonique Royal des Flandres offre une prestation admirable de chaleur et de précision qui laisse resplendir les fulgurances de l'orchestration. Il convient d'ailleurs de souligner qu'à la tête de cette splendide phalange, Daniele Callegari se montre constamment inspiré dans cette Recomposition que les interprètes de ce disque ont créée au Palais des Beaux-Arts à Bruxelles, le 9 décembre 2004 pour le premier livre des Préludes, et le 13 octobre 2005 pour le second. L'œuvre est dédiée dans sa globalité au pianiste Jan Michiels dont les interprétations de ces Préludes ont suffisamment impressionné Luc Brewaeys pour lui être une source d'inspiration dans son orchestration.

Voilà donc une excellente réalisation, destinée non seulement aux mélomanes allergiques aux nuances quelque peu monochrome du piano, mais surtout à ceux que la curiosité attire vers les vastes espaces sonores que peut suggérer la musique raffinée de Claude Debussy.

MT