Chroniques

par laurent bergnach

Claude Debussy
musiques du prix de Rome

1 livre-disque 2 CD Glossa (2009)
GES 922206-F
Claude Debussy | musiques du prix de Rome

En août 1908, Claude Debussy confie à un journal nord-américain : « Je n'entends pas plus me répéter que je ne songe à copier ceux qui m'ont précédé ». Consacré à un compositeur réputé exigeant, ce premier volume d'une série intitulée Musiques du Prix de Rome s'accompagne d'un recueil d'essais qui évoque un Paris fin de siècle où les modernités peinent à émerger face aux traditions tenaces de l'enseignement musical. En effet, avant d'être invités à la Villa Médicis durant plusieurs années, les candidats convoitant ce prix fameux doivent suivre les pas de leurs maîtres et s'accommoder notamment de livrets imposés, pétris des valeurs défendues par le Conservatoire, en écho aux autorités souhaitant promouvoir le caractère national. L'exemple est parlant : suite au traité de Francfort (10 mai 1871) qui permet à l'Allemagne de récupérer des terres annexées jadis par Louis XIV, on ne compte plus les cantates mettant l'accent sur le thème guerrier, voire patriotique.

Entre 1880 et 1890, pour rompre avec les accusations d'académisme, l'État encourage enfin les personnalités originales, telles Pierné [lire notre critique de sa Correspondance romaine], Dukas ou Debussy – lequel pose ses bagages à la Villa Médicis fin janvier 1885. Hors la suite symphonique Printemps (1887) et le poème lyrique La Damoiselle élue (1888), le présent programme rassemble des inédits composés en amont du séjour italien : les chœurs écrits pour les épreuves préliminaires – Salut Printemps (1882), Invocation (1883) et Le Printemps (1884), accompagnés au piano à quatre mains par Marie-Josèphe Jude et Jean-François Heisser – ainsi que les cantates du concours proprement dit – Le Gladiateur (1883) et L'Enfant prodigue (1884), respectivement deuxième et premier prix. Rien que pour cela, l'édition de ces deux disques est à saluer.

Pour qui a lu Monsieur Croche, et connait l'opinion de son auteur sur ce concours « grotesque » et « dangereux » qui éloigne les jeunes artistes de la musique pure – « cette maudite "cantate" leur donnant précocement le goût du théâtre » (mai 1903) –, il est savoureux d'entendre les premiers mots du prisonnier Narbal : « Morts aux Romains ! ». La voix claire et vaillante de Bernard Richter, ténor à la diction impeccable, permet d'incarner le Numide, sur fond de cuivres festifs et percussions funèbres. Comme pour l'épisode biblique défendu plus tard, le soprano Guylaine Girard et le baryton Alain Bluet l'accompagnent. La Damoiselle élue fait entendre une récitante au timbre riche, Sophie Marilley, ainsi que le Flemish Radio Choir – chœur limpide après avoir été caressant (Invocation). Quant à Hervé Niquet, c'est dans une expressivité tendre qu'il dirige le Brussels Philharmonic – the Orchestra of Flanders.

LB