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Chroniques
Claude Debussy
pièces pour piano
Lorsqu’il célèbre Paul Dukas à l’occasion de la parution d’une Sonate pour piano, Claude Debussy (1862-1918) évoque un rapport avec la musique qu’il partage sans aucun doute : « elle est pour lui un trésor inépuisable de formes, de souvenirs possibles qui lui permettent d’assouplir ses idées à la mesure de son domaine imaginatif. Il est le maître de son émotion et sait lui éviter des clameurs inutiles ; il ne se permet jamais par conséquent de ces développements parasites qui déparent si souvent de très belles choses » (La Revue blanche, 15 avril 1901).
La présente gravure s’attache aux derniers opus de celui qui, assez tôt, s’opposa à un art devenu « une chose brillante et sonore qui amuse l’oreille jusqu’à l’énervement » (ibid). Elle s’ouvre avec les douze Études écrites en août et septembre 1915. Dans le prolongement de celles de Chopin à qui ces deux livres sont dédiés, Debussy y aborde différents aspects de la technique, conscient que le pianiste ne peut « entrer dans la musique qu’avec des mains redoutables » – ainsi qu’il l’écrit à l’éditeur Durand, le 27 septembre. Pourtant, Philippe Bianconi s’avère peu convaincu du résultat pédagogique du cycle, préférant y voir un défi de composer à partir d’un matériau élémentaire.
Ce qui séduit dans l’interprétation de l’ancien lauréat du Concours Van Cliburn, c’est sa gestion très fine des notes sèches, dans un sens affirmé de la nuance. Sa délicatesse n’est pas éthérée, sa vigueur jamais brutale. Il sait rendre la couleur sans la noyer et, pour ce faire, dissipe tout brouillard malvenu. Outre sa capacité à poétiser des pièces au titre sévère (Pour les quartes, Pour les octaves, etc.), on sent chez le pianiste une certaine joie dans le jeu, une envie de raconter tout en conservant l’énigme.
« Vais-je pouvoir ? Vais-je trouver ? » s’interroge Debussy, écrivant à Gabriele D’Annunzio (29 janvier 1911), quelques mois avant la création du Martyre de saint Sébastien, au Théâtre du Châtelet, le 22 mai 1911. Pour Jean Barraqué, le pionnier de la modernité française participe grandement à l’insuccès qui entoura cette sorte de cantate dansée par la commanditaire, Ida Rubinstein : manque d’unité de style, pages archaïsantes, « parfois irritantes dans leur naïveté recherchée », etc. (Debussy, Seuil 1962). Quoi qu’il en soit, la partition-fleuve n’est plus guère donnée aujourd’hui, le concert lui préférant les extraits symphoniques ou pour piano signés André Caplet.
Cette Suite, Philippe Bianconi l’aborde avec une égalité d’impact assurément subtile (La Cour des Lys, La Passion), une gravité et une austérité qui laisse le sujet habiter l’adaptation pianistique. Enfin, ce programme enregistré à l’Arsenal (Metz) au tout début de l’année s’achève avec deux pages courtes : Élégie (1915), dont l’interprète disloque la pulsation soigneusement autant que librement, et Les soirs illuminés par l’ardeur du charbon (1917), debussyste jusqu’au pastiche.
LB