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Chroniques
Claude Debussy
Pelléas et Mélisande
« En allant rendre visite à M. Claude Debussy, le musicien de Pelléas et Mélisande, je n'ai pas eu l'intention de lui demander des indiscrétions sur son drame lyrique. Ces révélations avant la première sont généralement faites pour ne rien révéler car l'auteur tient à ce que le critique du lendemain ait encore quelque besogne à faire et ne se livre pas avant la grande bataille. »
Effectivement, dans la suite de son article paru dans Revue d'histoire et de critique musicale en avril 1902, Louis Schneider ne dévoile rien du cœur d'un projet qui occupa Debussy une douzaine d'années, mais apporte des informations sur ses conceptions musicales : l'envie de renoncer à l'influence de Wagner et à la « divagation symphonique », celle de lier musique et action dans la plus grande simplicité qui soit, de préférer le naturel au lyrisme, etc.
Plus de cent ans après sa création, gardant un œil sur les volontés de son auteur, le critique n'a plus à juger un classique mais l'approche qui en est faite. En janvier 2009, si quelques rares moments arrivent à créer une ambiance (visite des souterrains, Golaud en oiseau de proie surplombant la mourante), la production que le Theater an der Wien confie à Laurent Pelly s'éloigne du symbolisme attendu pour favoriser un réalisme honni par le compositeur et, ici même, ennuyeux. En revanche plus debussyste, la battue de Bertrand Billy s'avère délicate et raffinée.
Si le décor peut paraître étouffant à dessein, comment trouver des circonstances atténuantes aux dérapages de Natalie Dessay ? Sans aura ni mystère, parfois jusqu'à la vulgarité, le soprano surjoue le rôle-titre au lieu de l'incarner et fait preuve d'inventivité uniquement pour proposer le pire – une Mélisande souillon. Ce serait égal si la voix était fiable, si le timbre charmait.
Lui non plus, Laurent Naouri ne laisse pas un bon souvenir, de par une émission assez inégale, le sort qu'il fait à certaines phrases et une approche extérieure (parfois vériste) du personnage de Golaud. Apparaissant après Arkel – Phillip Ens, tout en fermeté – et Geneviève – Marie-Nicole Lemieux, égale dans l'intensité –, le Pelléas de Stéphane Degout sauve le trio amoureux : sonore et nuancé, souple et sensible, le jeune baryton possède une intelligence du texte irréprochable. L'Yniold de Beate Ritter complète efficacement la distribution.
LB