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Chroniques
Claude Debussy
mélodies
On connaît surtout Sandrine Piau dans un répertoire baroque, puisqu'elle participa régulièrement aux productions des Arts Florissants, du Seminario Musicale, et des Talens Lyriques. Avec Christophe Rousset, c'est surtout Händel qu'elle aborde. On put ainsi l'entendre récemment dans Arianna in Creta au Festival de Halle et à celui de Beaune, dans Tamerlano au château de Drottningholm cet été, ou encore dans Alcina cet hiver à la Cité de la musique (Paris). Reconnue comme une spécialiste du chant de cette période, elle travaille avec les principaux chefs baroques. Cela ne l'empêcha pas d'aborder les grands rôles mozartiens, l'opéra de Benjamin Britten, et de prendre de régulières récréations en compagnie du lied et de la mélodie française qu'elle programme souvent dans ses récitals.
C'est Debussy qu'elle met à l'honneur ici, respectant la chronologie de la composition, soit de 1884 et 1913. On y retrouve les grands poètes du XIXe siècle : Stéphane Mallarmé (Apparition, Trois poèmes), Paul Verlaine (En sourdine, Ariettes oubliées), Théophile Gautier (Les papillons) et Paul Bourget (Romance, Regret). Le musicien, qui s'est souvent impliqué dans l'écriture de ses livrets d'opéra, a toujours été proche des mots. Outre son travail sur les poètes, rappelons une correspondance délicieuse d'humour, et les chroniques mordantes de Monsieur Croche. Il a composé Proses lyriques à partir de quatre de ses propres textes (De rêve, De grève, De fleurs, De soir). Sa poésie est d'essence symboliste, avec des thèmes empruntés à Wagner (le Graal) ou à Maeterlinck (la Vierge, la serre et cette eau qu'on retrouvera plus tard au centre de Pelléas et Mélisande). Comme chez Verlaine, on laisse parler l'amour et la sensualité : « ...aux brises frôleuses la caresse charmeuse des hanches fleurissantes ».
En grand habitué de l'interprétation sur instrument d'époque – des enregistrements de Beethoven assez étonnants, et, pour les Parisiens, un souvenir à l'auditorium du Musée de la Musique où il jouait merveilleusement Haydn sur un pianoforte Brodmann de 1814, en octobre 1996 –, Jos van Immerseel accompagne le soprano sur un piano Érard 1897. Les cordes parallèles de ce demi-queue français confèrent un caractère spécifique à chaque registre. C'est typiquement le piano utilisé pour la musique de chambre à l'époque de Debussy. On découvre avec ce disque des sonorités harpées d'une richesse toute particulière, que l'on goûte facilement avec Regret, une des mélodies de jeunesse, qui rappelle les collections des châteaux bourguignons (Bourbilly, etc.). C'est parfait pour des piécettes écrites dans les années quatre-vingt-dix encore héritières d'une manière à la Massenet, même si leur auteur se moquera plus tard de son aîné.
C'est donc un enregistrement des plus intéressants qui nous est aujourd'hui proposé. On remarquera quelques difficultés dictionelles sur les cinq premières mélodies de ce programme ; c'est qu'elles sont écrites avec des maladresses qui, quoi qu'on y tente, camouflent les mots. Sandrine Piau est parfaitement intelligible dans les suivantes, d'une facture mieux maîtrisée.
HK