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Chroniques
Claude Hermann
Henry Purcell
Pour ceux qui douteraient encore de l'influence du politique sur la vie sociale et culturelle, dès ses premières pages, l'ouvrage que Claude Hermann consacre à la vie de Purcell dissipe toute illusion. Né dans une famille de musiciens de cour en 1659, le jeune Henry échappe à cette dictature puritaine qui sévit en Angleterre durant les dix années précédentes, prompte à condamner la musique d'église trop savante et à fermer, voire détruire, les théâtres – de fait, la création du premier opéra anglais, The Siege of Rhodes (1656), a lieu dans un cadre privé. Lorsque le Parlement décide de rétablir la monarchie Stuart et le retour d'exil de Charles II, le père et l'oncle du compositeur retrouvent vite du travail, d'autant que le nouveau roi ramène de France un goût pour le violon et la danse.
De 1667 à 1673, au sein des Enfants de la Chapelle Royale, Henry est instruit dans l'art du chant, de la composition et du jeu (luth, viole, orgue, etc.). En 1677, il est nommé compositeur ordinaire pour les Violons du roi, puis s'imprègne du goût italien lorsque le catholique Jacques II monte sur le trône en 1685. Enfin, lorsqu'il sert le calviniste Guillaume III à partir de 1688, c'est surtout la reine Marie qu'il célèbre par sa musique. Dans la rue, on s'adapte aussi : tantôt l'on entend l'orgue d'église dans les tavernes, tantôt les sonates de Corelli circulent dans la capitale. Le portrait du compositeur ne serait pas réussi sans cet arrière-plan détaillé.
Grâce à des maîtres à l'enseignement précieux – les partitions italiennes de Henry Cook, l'attention à la musique française de Pelham Humfrey, la répugnance aux effets faciles de Matthew Locke –, puis à la fidélité du public, Purcell vit des moments heureux, mais Hermann nous rappelle combien le deuil a également marqué ses trente-six années d'existence, tant sur le plan familial (il voit mourir son père, son oncle et quatre de ses premiers enfants) que social (la grande peste de 1665 et l'incendie ravageur de 1666). Cela explique la récurrence du vocabulaire de l'affliction dans une œuvre dont beaucoup de pages, malheureusement, ont été perdues.
LB