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Chroniques
Claude-Jean Nébrac
Directeur de l’Opéra après Lully – Mémoires imaginaires
Il y a peu, Claude-Jean Nébrac invitait le lecteur à déguster les Mémoires imaginaires de Pierre Perrin (1620-1675), un jeune Lyonnais venu faire éditer ses vers à Paris et qui allait, de fil en aiguille, participer à la naissance de l’opéra français [lire notre critique de l’ouvrage]. Aujourd’hui, toujours grâce au procédé astucieux du Journal fictif, nous suivons cinq années de l’ascension de Jean-Nicolas de Francine (1687-1692), héritier d’une famille de fontainiers florentins appelés en France pour embellir les jardins royaux. Cette période s’achève par ces mots :
« à trente ans, je suis le directeur de l’Opéra. Beaucoup se damneraient pour être à ma place. Oh ! je sais bien ce que l’on dit : que je ne détiens cette charge que parce que j’ai eu la chance d’épouser la fille du surintendant de la musique du roi. Eh bien oui, j’ai eu cette chance ! Mais la chance ne fait pas tout ».
Effectivement, le hasard fit que Pierre Francine (1621-1686), père du narrateur, loua une maison proche de la sienne à Jean-Baptiste Lully et qu’une idylle débuta entre Catherine-Madeleine et Jean-Nicolas, scellée par un mariage en 1684. Et comme l’auteur d’Armide ne meurt pas avant le premier tiers du livre (1687), son gendre peint à loisir ses créations, certains courroux sauvages et « écarts de conduite », les tentatives de rachat auprès du roi, une longue convalescence à l’issue fatale, mais surtout la passation du pouvoir à son profit, le fils de meunier ayant peu confiance en la solidité de ses propres descendants.
Par leurs tentatives de se faire connaître comme musiciens, ces derniers sont évoqués tout au long du livre, de même que certains compositeurs (Collasse) et chanteurs (Le Rochois, Desmatins, Dumesny, Beaumavielle, etc.) qui vont participer aux reprises (Amadis, Persée, Thésée, etc.) et créations successives – parfois catastrophiques – de l’Académie royale de musique : Achille et Polyxène (1687), Zéphire et Flore (1688), Thétis et Pélée (1689), Orphée, Énée et Lavinie (1690), Coronis et Astrée (1691).
Ici et là, alternant avec ceux des morts, on trouve également quelques portraits d’ambitieux qui souhaitent développer l’opéra en province (Gautier, Vaultier, etc.), de charlatans et de libertins qui pimentent un roman dont une suite est déjà annoncée. Notre héros va-t-il devoir vendre son domaine de Bièvre pour rembourser les dettes d’une Académie dont s’éloigne le roi ? Va-t-il enfin trouver des successeurs dignes de Quinault et Lully ? On brûle de le savoir !
LB