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Chroniques
Claude-Jean Nébrac
L’Académie royale de musique de 1692 à 1697
Il y a quelques mois, grâce au précédé astucieux du Journal fictif, Claude-Jean Nébrac invitait à suivre la vie de Jean-Nicolas de Francine (1662-1735), l’héritier d’une famille de fontainiers florentins appelé à reprendre les fonctions de son beau-père, célèbre promoteur de la tragédie en musique décédé le 22 mars 1687 [lire notre critique de l’ouvrage]. Directeur de l’Opéra après Lully s’achevait sur un constat amer, cinq ans jour pour jour après cette disparition, tant financièrement qu’artistiquement :
« les dettes dépassent soixante mille livres et je crains d’avoir à faire des sacrifices. Peut-être devrai-je me défaire de ma terre et seigneurie de Bièvre, ce qui ne chagrinera pas mon épouse qui a toujours dit que cette acquisition était une folie. […] Ma principale déception n’est pas là. Elle est de ne pas avoir pu découvrir un poète et un musicien dignes de faire oublier Quinault et Lully. Que n’a-t-on dit que le surintendant, en exerçant son privilège avec une jalousie maladive, avait étouffé toute velléité de concurrence ! »
Le second tome des Mémoires imaginaires de Francine confirme la vente du domaine de Bièvre-le-Chastel, mais renseigne sur d’autres sources de revenus, tels la location du débit de liqueurs intra muros et l’emprunt à des particuliers (le joaillier du roi Le Tessier de Montarsy, le danseur Louis-Guillaume Pécour, un cousin, etc.) en échange d’une rente annuelle prélevée sur les bénéfices de l’Académie royale de Musique – quand il y en a !
Dans un pays confronté à la famine et à l’augmentation d’impôts pour financer la guerre, notre jeune directeur alterne reprises d’ouvrages solides (Phaéton en 1692, Persée et Acis et Galatée en 1695) et entretiens fructueux avec Desmarest, (Didon, 1693 ; Circé, 1694 ; Théagène et Chariclée, 1695 ; Vénus et Adonis, 1697), Charpentier (Médée, 1694), de La Guerre (Céphale et Procris, 1694), Colasse (Jason, 1696), Marais (Ariane et Bacchus, 1696), Gervais (Méduse, 1697), etc.
Comme dans le tome précédent, à une période qui n’est pas tendre avec les artistes (attaques de l’Église contre l’immoralité du théâtre, disgrâce des Comédiens italiens), on découvre la vie de certains d’entre eux, les ragots qui accompagnent les plus scandaleux (même lorsqu’ils vivent un moment hors des frontières, telle La Maupin à Bruxelles), ou encore leurs soucis professionnels (le peintre et décorateur Jean Bérain qui peine à suivre le rythme de productions dont l’échec est un crève-cœur).
« J’ai essayé de contenter tout le monde : ceux qui considèrent qu’il est impossible de faire mieux que Quinault et Lully, et qui méprisent les imitations ; et ceux qui attendent légitimement des harmonies et des formes nouvelles. » Le gestionnaire malchanceux ayant finalement cédé son privilège à Pierre Guyenet en 1704, cinq ans après cette déclaration, pouvons-nous espérer un troisième et dernier tome à ses aventures parisiennes ?
LB