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Chroniques
Claude Vivier
œuvres variées
Une autocitation interpelle l’internaute qui parcourt les écrit de Claude Vivier (1948-1983) disponibles sur le site Érudit. En effet, pour accompagner la création de son unique opéra, Kopernikus (Montréal, 1980) – un « rituel de mort » qui s’apparente davantage à l’oratorio, selon sa propre analyse [lire nos chroniques du 18 janvier 2019 et du 4 décembre 2018] –, le compositeur canadien reprend mot pour mot le début d’un texte écrit près d’une décennie plus tôt, L’acte créateur (1971). Il convient donc d’écouter les cinq pièces proposées ici avec ces phrases-clés en tête :
« Je veux que l'art soit l'acte sacré, la révélation des forces, la communication avec ces forces. Le musicien doit organiser non plus de la musique mais des séances de révélation, des séances d'incantation des forces de la nature, des forces qui ont existé, existent et existeront, des forces qui sont la vérité. Toute révolution véritable n'est faite que pour remettre une civilisation qui s'en est détachée sur le chemin de ces forces ».
De l’artiste qui dut renoncer à la prêtrise et se tourna vers Artaud, Shiraz (1977) est typique d’une influence orientale qu’on retrouvera plus loin. Dans cette page pour piano qui emprunte son nom à une ville iranienne, des éléments issus du chant traditionnel se confronte à un genre typiquement occidental, la toccata – plus précisément la Toccata en ut majeur Op.7 de Robert Schumann, laquelle apportait déjà un regard neuf sur un héritage de l’époque baroque. Akiko Okabe interprète cette pièce souvent nerveuse et obsessionnelle.
Anticipant des éléments déterminants pour Kopernikus, Love songs (1977) est une pièce d’un seul bloc qui propose moins des considérations poétiques ou théoriques sur l’amour qu’une représentation des états émotionnels qui en découlent. Le chant et la parole s’accompagnent ainsi de bruits purement organiques (gémissement, rire, etc.). Avec leur talent habituel [lire nos critiques des CD Berio, Francesconi et Sciarrino], les Neue Vocalsolisten livrent une pièce riche, dont l’humour n’exclue pas une certaine profondeur émotionnelle.
Signifiant Île des dieux, Pulau Dewata (1977) renvoie directement au gamelan balinais. Vivier a délibérément renoncé à l’orchestrer [lire notre chronique du 8 octobre 2018], si bien que nombre d’ensembles de percussion a relevé le défi. Celui du chef Klaus Simon est de transposer la partition pour ensemble mixte. On admire une facture sonore soignée et délicate des musiciens du Holst-Sinfonietta auxquels se mêlent Selen Schaper (hautbois), Lorenzo Salvá Peralta (clarinette), Hans Fuhlbom (piano) et Lee Forrest Ferguson (percussion).
On retrouve Simon et le Holst-Sinfonietta dans Zipangu (1980), pièce pour treize cordes inspirée par un voyage au Japon. Si l’œuvre précédente, peu passionnante, évoquait par moments celles de Reich ou Messiaen, on est ici dans un univers spectral où mystère et tension vont de pair, un quart d’heure durant – soit la durée moyenne des pages regroupées par cet enregistrement.
Ce dernier comporte également Lonely Child (1980), pour soprano et orchestre de chambre. Ce « long chant de solitude », dont le texte mêle français et langue imaginaire, repose sur une structure mélodique très simple, en accord avec l’enfant évoqué par le titre – n’oublions pas que Vivier fut un enfant adopté, né de parents inconnus. Guidé par Bas Wiegers [lire nos chroniques du 14 septembre 2012 et du 19 octobre 2019], le WDR Sinfonieorchester séduit dans ce poème orchestral souvent dépouillé, calme et largement ritualisé (cloche, percussion), chanté par le soprano Katrien Baerts [lire notre chronique du 27 octobre 2019].
LB