Recherche
Chroniques
Claudio Monteverdi
Quatrième livre de madrigaux
Sa maîtrise du cymbalum a fait de Luigi Gaggero l'interprète de prédilection de nombreux compositeurs contemporains. Le présent disque permet d'apprécier son talent de directeur musical de La Dolce Maniera – ensemble vocal (en résidence permanente au conservatoire de Strasbourg) spécialisé dans l'interprétation de la musique allant du XVIIe siècle au répertoire contemporain.
En choisissant des partitions transcrites du Quarto libro dei madrigali de Claudio Monteverdi, La Dolce Maniera inscrit dans une approche et une lisibilité modernes une musique souvent dissimulée sous le vernis d'une authenticité prétendue. Le résultat en est-il pour autant plus convaincant ? Ce Livre précède de peu la composition d’Orfeo – moment crucial dans la carrière de Monteverdi où le madrigal s'affranchit de la rigoureuse racine polyphonique flamande en donnant au texte une place centrale, tant musicale que psychologique (Piagn'e sospira ou Ah, dolente partita). C'est autour de l'élément poétique que se construit désormais le cadre architectural, substituant un étonnant contrepoint de sens à l'habituel contrepoint harmonique. L'écriture musicale réussit le tour de force de ne jamais contraindre la rythmique propre du texte.
Assez uniforme, l'interprétation peine à rendre compte de la versatilité de caractères que requiert cette musique. En manque de théâtre et de style imitatif, la polyphonie de sens ne se développe jamais au delà d'une parfaite qualité de justesse et d'intonation (Che se tu se' il cor mio). On s'étonnera de trouver linéaire et plutôt froid un matériau expressif propice à l'épanchement et à la ductilité. Qui percevra une « âme tout de feu et de sang » dans ce Luci serene e chiare ? Le maniérisme trop en retrait stérilise l'affect naturel d'un lexique saturé par la sève mortelle d'un regard ou la lutte éternelle entre l'âme et le cœur. On peut exagérer sans crainte les alliages timbriques de Si, ch'io vorrei morire ou les teintes interlopes d’anima dolorosa.
On apprécie l'équilibre général de la palette de timbres de La Dolce Maniera quand l'agogique naturelle reprend ses marques (Cor mio non mori ? e mori !) ou lorsque la vélocité un peu grasse des gestes vocaux permet de saisir les assonances internes (Quell'augellin che canta). Que ce soit par la modernité de certaines ruptures (Ohimé, se tanto amante) ou de l’approche les mélismes (A un giro sol de' begl'occhi lucenti), la prononciation bénéficie d'une attention constante. La prise de son lisse les angles et affadit les timbres en privilégiant la réverbération à la proximité (Sfiogava con le stelle). L'enchevêtrement du rendu sonore contredit les principes d'une sprezzatura attachée à rendre sensible la fusion des syllabes.
L'hédonisme se satisfait-il d'une réalisation à l'excellente facture ?
DV