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Chroniques
Claudio Monteverdi
L’Orfeo | L’Orphée
C’est avec grand bonheur que l’on retrouve le Chœur de Chambre de Namur et la Cappella Mediterranea dans cette grande œuvre que demeure L’Orfeo de Monteverdi. À leur tête, Leonardo García Alarcón ménage une lecture conjuguant vitalité et délicatesse, ainsi qu’en témoignent la vigueur des appels du Prologue et le soin méticuleux apporté à la couleur et à chaque inflexion, avec la complicité d’une équipe vocale aguerrie à ce répertoire. À l’indéniable cohérence dramatique de l’approche du chef argentin répond une souplesse séduisante, pour ne pas dire confortable, même, loin des rugosités de nos baroqueux d’autrefois. La qualité des timbres, leur définition précise dans une narration musicale raffinée, signent une interprétation de haute tenue dont la fraîcheur liminaire se précipite radicalement aux enfers.
La distribution réunie à Anvers au début de 2020 – à peine deux mois avant la grande glaciation covidienne qui vint nous frapper – compte une douzaine d’artistes qui font autorité. D’abord enchanteresse en Musica, Mariana Florès prend à bras le corps le rôle d’Euridice qu’elle investit avec la générosité qu’on lui connaît [lire nos chroniques de son récital Barbara Strozzi, de Dixit Dominus, Egisto, Il diluvio universale, Orfeo à Versailles, Nabucco, Eliogabalo, Giasone et Il palazzo incantato]. Aucune partie n’est laissée à quelque choix hasardeux. Ainsi apprécions-nous les Pastore vaillamment campés par Nicholas Scott (ténor), Carlo Vistoli (contre-ténor) [lire nos chroniques du 9 juillet 2017, du 8 septembre 2020, du 25 juillet 2022 et du 7 janvier 2023], Alessandro Giangrande (contre-ténor) [lire notre chronique d’Orfeo à Lausanne] et l’excellent Matteo Bellotto (basse) [lire nos chroniques des Vêpres solennelles de San Marco, de Tisbe et Euridice].
Speranza judicieusement piquante, Ana Quintans incarne une inquiétante Proserpina qui affirme la stabilité recouvrée de l’artiste [lire nos chroniques de Judicium Salomonis, L’incoronazione di Poppea à Paris, Teseo, Ippolito, David et Jonathas, Dido and Æneas, Les Indes galantes, Ipermestra et Stabat Mater]. De même Julie Roset livre-t-elle une Ninfa exquisément présente [lire nos chroniques de Combattimento, Acis and Galatea et L’incoronazione di Poppea au Festival d’Aix]. Quant au mezzo généreux de Giuseppina Bridelli, il est tout à son affaire en Messaggiera souveraine [lire nos chroniques de L’incoronazione di Poppea à Innsbruck, L’incoronazione di Dario, Orfeo de Rossi, La traviata et Orfeo de Porpora]. Si les spiriti satisfont sans mal – la basse Philippe Favette et, à nouveau, Nicholas Scott –, le baryton Alejandro Meerapfel ne démérite pas en Plutone. Noir à souhait, Salvo Vitale est un Caronte idéal. Enfin, d’éloges l’on ne saurait tarir sur le ténor clair de Valerio Contaldo qui offre au rôle-titre un chant infiniment cultivé où le sentiment le dispute à la vitalité ! La chaleur de l’impédance, la suavité du dessin, un art de la nuance toujours au service de l’expressivité la plus juste en font un grand, un très grand Orphée.
BB