Chroniques

par samuel moreau

Claudio Monteverdi
L’incoronazione di Poppea | Le couronnement de Poppée

1 DVD Bel Air Classiques (2005)
BAC 004
L’incoronazione di Poppea, opéra de Monteverdi

Enregistrée en juillet 2000, cette production de L'Incoronazione di Poppea donnait l'occasion d'une rencontre entre Marc Minkowski et Klaus Michael Gruber. « Notre souci commun, explique le chef d'orchestre, était d'offrir au public de l'Archevêché, à Aix-en-Provence, un spectacle d'une grande intimité, un moment de théâtre intense, dont chaque inflexion musicale et chaque mouvement scénique soient non seulement perceptibles mais limpides, et touchent le spectateur sans que s'interpose jamais aucun obstacle historique ou esthétique. »

C'est ainsi qu'on retrouvera l'opéra de Monteverdi tout autre que dans la version du Festival de Glyndebourne, sortie chez Warner en juin 2004 [lire notre critique du DVD]. Des coupures ont été pratiquées : suppression de la nourrice d'Octavie, de la scène de couronnement de Poppée. Minkowski a adapté l'effectif instrumental aux dimensions du lieu. « Cela signifie que, en dehors des interludes et ritournelles exécutés par l'ensemble de l'orchestre, la basse continue présente des proportions assez développées (cinq théorbes et guitares, deux clavecins, deux orgues, deux violes, deux harpes, un lirone). » Dernier aménagement musical, et conformément à un usage répandu au XVIIe siècle, le chef a introduit entre certaines scènes trois sinfonie du compositeur et violoniste Biagio Marini, servant à marquer les changements d'atmosphère. À la tête des Musiciens du Louvre-Grenoble, sa lecture manque malheureusement de relief, et la pulsation qu'il marque ne lui donne pas l'alibi d'une recherche d'ascétisme.

Infantiles et capricieux, tels sont pour le metteur en scène les personnages de cet ouvrage. Effectivement, Allison Cook (timbre chaleureux, voix agile) chante Fortuna et Valletto avec pétillant ; Cassandre Berthon joue Amore avec beaucoup de malice ; Luc Coadou (beau timbre de baryton) est Liberto, un capitaine de la garde si naïf qu'il en devient touchant. Mireille Delunsch (belle technique, mais un peu maniérée) nous étonne par des moments de danse pleins de grâce et d'énergie juvénile. En revanche, Anne Sofie von Otter compose un personnage empoté et grimaçant d'autant moins supportable que son chant révèle de sérieux défauts (notes fausses, miaulements, etc.). Autre sujet d’agacement : le surjeu et le chant démonstratif de Nicole Heaston (Drusilla).

Outre la fin immorale de l'ouvrage, la réelle subversion de cette production est d'avoir rendu très attachants les perdants de l'histoire. Sylvie Brunet incarne une Ottavia touchante, d'ordinaire facilement transformée en mégère, alors qu'elle est une amoureuse en proie à la douleur du rejet. Son chant puissant, expressif sans être maniéré, émeut plus que tous les duos d'amour de ce soir –excepté celui de Valetto et Damigella, plein de poésie. Son air d'adieu est très sensible. Expressivité aussi et caractère pour Charlotte Hellekant, contralto tout en nuances dans un Ottone très digne. En Seneca sacrifié avant l'âge mûr, Denis Sedov jouit d'un legato sublime, délivrant des vocalises exquises, sans presque respirer. Enfin, Jean-Paul Fouchécourt sert de lien entre frivolité et sagesse, puisque son Arnalta nuancée est complexe, entre bons conseils et souvenirs grivois.

SM