Chroniques

par pierre-jean tribot

Conlon Nancarrow
œuvres variées

1 CD Naxos (2005)
8.559060
Conlon Nancarrow | œuvres variées

Conlon Nancarrow (1912-1997) est l'une des figures les plus singulières de la musique américaine du XXe siècle. Après des études musicales à Cincinnati, il se fixe à New York, où il joue de la trompette tout en admirant Stravinsky, Louis Amstrong et Bessie Smith. Fortement engagé politiquement, il rejoint, en 1937, la brigade « Abraham Lincoln » qui lutte en Espagne contre le gouvernement fasciste de Franco. Son retour au pays se passe plutôt mal : vertement accueilli et privé de sa citoyenneté, il doit s'installer à Mexico en 1940. Il y épouse l'artiste peintre Annette Stephens et se fond dans le milieu culturel mexicain au milieu de quelques compatriotes exilés. Isolé des courants artistiques, il entreprend une œuvre aussi intense qu'inattendue en composant ses soixante Studies pour piano mécanique, le seul instrument qui réponde à ses attentes. Dans les années soixante, son langage évolue vers plus d'expérimentations et il établit des contacts avec des créateurs comme Elliott Carter, Merce Cunningham ou John Cage. Il est alors programmé par des manifestations de l'avant-garde internationale et ses Studies rencontrent les honneurs du disque. Cependant, la reconnaissance internationale ne vient qu'en 1982 avec le Mac Arthur « genius » award. Dès lors, les invitations se multiplient et, en 1990, l'université de Mexico lui consacre un festival.

Le présent programme reprend quelques-unes des pièces emblématiques du compositeur. On retrouve les ébouriffantes Toccata pour violon et piano mécanique (1935) et Sonatina pour piano (1941), dans une transcription pour piano à quatre mains d’Yvar Mikhashoff. D'autres pièces sonnent le Hindemith des Kammermusik rehaussées d'une touche jazzy à l'image de la charmante et déhanchée première pièce pour petit orchestre. Le Quatuor à cordes (1945) explore quant à lui les différentes possibilités rythmiques. Cet album propose également deux pièces du Nancarrow de la dernière manière : le très bref tango de 1984 et la seconde pièce pour petit ensemble écrite en 1986. D'une structure très complexe et d'une redoutable virtuosité, ces partitions apparaissent comme des variations sur l'idée de canon tout en restant fidèles à la liberté de ton.

Fondé en 1966 – et jouant déjà des pièces de Cowell pour le même éditeur, il y a peu [lire notre critique du CD] –, l'ensemble new-yorkais Continuum, se surpasse pour nous donner une image fidèle de ce compositeur qui rejoint Ives au panthéon de ces compositeurs américains inclassables mais géniaux. On peut cependant regretter la brièveté du disque. Quarante minutes, même à prix Naxos, ce n'est pas l'idéal.

PJT