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Chroniques
Constantine Orbelian et l'Orchestre Philharmonique de Russie
Dvořák – Glazounov – Kaufmann
Alors qu'il avait esquissé un premier concerto pour violoncelle avec accompagnement de piano à vingt-quatre ans, projet vite abandonné et même oublié, Antonín Dvořák retrouva cet instrument à la fin de 1894, écrivant avec une remarquable facilité le Concerto en si mineur Op.104 qui partage avec sa Symphonie du Nouveau Monde –en mi mineur Op.95 n°9, achevée quelques mois plus tôt, au milieu de printemps – le statut d'œuvres les plus connues de son catalogue. Après que l'auteur décidât d'en modifier la fin après la perte d'un être cher, sa création devait pourtant se trouver en butte à diverses difficultés.
Enregistrée à Moscou en juin dernier, la présente version affirme un grand souffle solistique et une certaine réserve de l'écrin orchestral. L'Allegro initial est élégamment introduit parConstantin Orbelian à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Russie dont les cordes s'avèrent efficaces et les bois divinement précieux, détachant quelques traits dans une grâce chambriste bienvenue, parfois presque mozartienne, d'ailleurs. Dans cette lecture d'une tendre souplesse, le violoncelle de Suzanne Ramon fait une entrée âpre qui sait user, toujours dans une judicieuse respiration, d'une indéniable profondeur du grave, livrant au passage des trilles d'une grande précision et un legato élégiaque très largement porté. C'est une étrange couleur d'harmonium qui ouvre l'Adagio central, joliment travaillée, l'excellence des cors se dessinant plus tard dans un choral de velours. Le violoncelle trouve une liberté nouvelle dans l'exposé mélodique, faisant découvrir bientôt un riche éventail dynamique qui jamais n'use de contrastes échevelés, risquant avec bonheur un pianississimo indicible dans l'aigu, sans pour autant détimbrer. Enfin, le suspens des premiers pas du Finale est ici exquisément distillé, jusqu'à la plénitude remarquable des hésitations centrales du mouvement où Suzanne Ramon chante intensément sa partie. Souvent, l'exécution de cet opus se résume à un geste ; ici, l'énergie est toujours idéalement conduite par une vigoureuse sensibilité, à la fois expressive et soigneuse.
C'est quelques semaines avant d'entreprendre son Concerto Op.104 que Dvořák rédigea en une journée la version pour violoncelle et orchestre de Klid, la cinquième pièce de Ze Šumavy – en français Dans la forêt de Bohême –, recueil pour piano à quatre mains conçu dix ans plus tôt. Dans Klid Op.68, le chant de Suzanne Ramon s'épanche généreusement dans cette romance qui se conclut dans un frais élan. Sept années séparent cette œuvre du Chant du Ménestrel Op.71 qu'Alexandre Glazounov écrivit à trente-cinq ans et dont ce disque salue une comparable nature de romance à l'active mélancolie que le compositeur a finement mariée à une virtuosité qui ne dédaigne pas quelques accents russes. Les interprètes en livre une vision désolée qui, toutefois, ne parvient pas à en dépasser le côté désuet. Si l'on saluera d'indéniable qualité de cette gravure, on regrettera toutefois qu'elle prenne congé par le pauvre Cantabile deSerge Kaufmann dont on ne peut que se réjouir de la brièveté.
BB