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Chroniques
David Philip Hefti
œuvres orchestrales et chambristes
Lauréat de nombreux concours de composition – Gustav Mahler (Vienne), Pablo Casals (Prades) et George Enescu (Bucarest) –, David Philip Hefti (né en Suisse en 1975) a étudié la composition, la direction d’orchestre, la clarinette et la musique de chambre auprès de Wolfgang Rihm, Cristóbal Halffter, Wolfgang Meyer, Rudolf Kelterborn et Elmar Schmid. Sa musique a déjà résonné à Madrid, Graz, Gstaad, Prague, Tokyo, mais aussi à São Paulo et Heidelberg où l’artiste fut en résidence. Élaborées entre 2008 et 2010, les cinq œuvres de ce programme – dont une majorité appartient au domaine chambriste – permettent d’approcher de multiples facettes d’un travail qui n’est pas sans révéler l’influence de Ligeti et des spectraux.
Écrit à la demande du Quatuor Amar qui l’interprète ici, Guggisberg-Variationen (2008) est le deuxième essai d’Hefti pour une formation à cordes – conçu entre Ph(r)asen (2007) et Mobile (2011) –, et prend pour appui « un des chants populaires suisses les plus intimes », le Guggisberg-Lied. On le retrouve d’ailleurs presque intact dans la première des six variations proposées, réserve d’onctuosité avant une traversée plus âpre et acérée d’une douzaine de minutes. La même année, Poème lunaire voit le jour, que son commanditaire Michel Rouilly joue en compagnie de Bettina Sutter. Cette dernière tire souvent du piano des sons de harpe ou de cymbalum qui adoucissent ou renforcent les agitations de l’alto.
Sous-titré Trois états de la matière, Bergwärts (2010) est une pièce pour soprano, flûte, violon, violoncelle et piano, d’après un poème de Felix Philipp Ingold (né à Bâle, en 1942) que l’on trouvera reproduit dans la notice. « La substance matérielle de la langue de ce poème en trois parties se volatilise de strophe en strophe, explique le compositeur, alors que le contenu passe par le processus contraire en se densifiant. » Au cœur de l’ensemble Amaltea, la voix souple et charnue de Sylvia Nopper explore différents procédés et émotions sur fest, gasförmig et flüssig, omniprésente malgré la raréfaction progressive des mots. Il est juste dommage que le soprano soit fréquemment à côté de la note.
Dirigé par David Zinman à la tête du Tonhalle-Orchester Zürich, Gegenklang (2010) est un concerto pour violoncelle où s’éveille un orchestre aux timbres contrastés, palpitant et scintillant (percussions/cuivres), qui n’étouffe jamais l’instrument-vedette tenu par Thomas Grossenbacher (Flimmernd) ; la seconde partie demeure tout aussi aérée, mais gagne assurément en mystère (Adagio). Dans Klangbogen (2009), différentes surfaces sonores se développent et se construisent tout en subissant la gêne d’interventions extérieures. C’est donc une œuvre en tension, au développement tourmenté que nous font entendre le Luzerner Sinfonieorchester et Michael Sanderling, ses dédicataires, qui se dirige finalement vers la nudité d’un solo de violoncelle.
LB