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Chroniques
Dmitri Chostakovitch
pièces et transcriptions pour cordes
Comme tant d'autres compositeurs confrontés à un régime totalitaire, Dmitri Chostakovitch (1906-1975) a jonglé entre commandes officielles et jardin secret, soit la musique de chambre, reconnue comme sa « confession lyrique ». Loin des morceaux pour ballet ou films de propagande, il put y développer des climats plus sombres, torturés ou grotesques, peu enclins à encourager la grande marche du peuple. Le présent enregistrement – intitulé DSCH, d'après les initiales du musicien dont on retrouve le motif musical dans de nombreuses partitions – regroupe transcriptions et dédicaces à sa mémoire.
Dix aphorismes Op.13 furent écrits à Leningrad, de février à avril 1927, entre une première sonate pour piano et la 2ème Symphonie. Le Nez (1928) et Lady Macbeth de Mzensk (1932) n'ont pas encore provoqué la méfiance du régime, et Chostakovitch y joue d'un piano débridé, propre à évoquer des ambiances variées, de la Sérénade à la Danse de mort, de la Marche funèbre à la Berceuse. Vladimir Spivakov et le pianiste Boris Bekhterev en réalisèrent une version pour violon, basson, percussions et piano.
Prélude et Scherzo Op.11, pour octuor à cordes (double quatuor ou orchestre à cordes) fut composé en 1924-1925, parallèlement à la 1ère Symphonie. L'Ensemble Ricercata de Paris apporte beaucoup de relief à cette pièce énergique, convoquant limpidité et âpreté. Les mouvements assez courts de Deux pièces pour quatuor à cordes Op.36, achevés en novembre 1931, viennent apporter un peu d'insouciance après cette agitation. Alexandre Brussilovky – directeur artistique du label et dirigeant ici, violon en main – en a étendu l'exécution à un ensemble de cordes.
Les Dix préludes Op.34, extraits du cahier de vingt-quatre composé dans la tradition de Chopin, furent écrit durant l'hiver 1932-33 et créé au Conservatoire de Moscou, le 24 mai 1933. Déjà transcrits pour violon et piano par le passé – par Dmitri Tsyganov du Quatuor Beethoven –, c'est une version pour violon et cordes du chef letton Ilmar Lapinsch que nous découvrons. Alexandre Brussilovky allie virtuosité et élégance, sans toutefois dédaigner l'intériorité (Largo,Adagio).
Les compositeurs rendent aussi hommage au parcours chostakovien : l'Américain Steven R. Gerber (né en 1948) avec Elegy on the name of Dmitri Shostakovitch (1991), une partition de forme classique pour alto seul – rappel de la dernière pièce écrite par le musicien russe, sur un lit d'hôpital (Sonate pour alto et piano) –, et Alfred Schnittke (1934-1998), dont le Praeludium (1975) pour deux violons livre un climat tendu à l'expressivité contrôlée.
LB