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Chroniques
Dmitri Chostakovitch
Sonate pour violon et piano Op.134 – Sonate pour alto et piano Op.147
Avec ce disque, le mélomane cernera la dernière période de Dmitri Chostakovitch, puisque l'Opus 134 fut écrit au début des hospitalisations répétées du compositeur, et que l'Opus 147 constitue son ultime pièce, achevée quatre jours avant de mourir. Les premiers troubles de santé qui engageront le musicien à consulter les médecins remontent à 1958. Les examens se succèderont jusqu'à l'infarctus de 1966, crise qui inaugure la longue série de soins et de séjours hospitaliers qui mènerait à la mort en 1975.
La Sonate pour violon et piano Op.134, conçue en 1968, juste après les Romances sur des poèmes de Blok et le 12ème Quatuor, radicalise l'âpreté de la signature chostakovienne. Jan Talich saisit subtilement l'inquiétude de l'Andante initial, entretenant une demi-teinte languissante dans la deuxième partie du mouvement, avec la belle complicité de Yakov Kasman au piano, distillant les innombrables retours motiviques de la partition. Les instrumentistes opposent à ces débuts la fermeté hargneuse d'un Allegretto insoumis où l'on retrouve encore cette ironie dansée propre au compositeur ; au final, un chant insaisissable fait crier l'aigu du violon. Kasman ne s'égare pas en soulignant la citation lisztienne du début du Largo, dont la solennité sera bien vite contrariée par l'égrainement trompeusement fugué du thème à varier, d'abord dans une sècheresse aride, ensuite dans une frappe tendre, enfin dans le lyrisme retrouvé du violon dont l'élan se conclura dans la citation troublée des grises hésitations du premier mouvement.
Sonate de la mort: c'est ainsi qu'à juste titre Frans Lemaire (inLe destin russe et la musique) désigne la Sonate pour alto et piano Op.147. Nous invitons le lecteur à se référer à la notice d'Étienne Bertoli qui explore plus précisément l'appareil thématique (avec ses emprunts) de cette dernière œuvre, créée quelques semaines après le décès de son auteur. Vladimír Bukac pose les énigmes d'un Moderato sous-titré Récit dont la mélancolie ouvre sur une colère qui semble économiser ses forces. Le pianiste différencie savamment ses frappes, ouvrageant précieusement le climat d'un mouvement dont la fin laisse l'alto dialoguer avec lui-même, dans une nudité questionneuse. La nostalgie d'une ultime aspiration à la danse anime le Scherzo central dont l'interprétation révèle discrètement la désillusion. À l'Adagio élégiaque, prétendument in memoriam Beethoven, les artistes réservent une approche émue et digne qui laisse Chostakovitch regarder Chostakovitch, s'épurant pour finir dans un adieu recueilli et serein.
BB