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Chroniques
Dmitri Chostakovitch
Леди Макбет Мценского уезда | Lady Macbeth de Mzensk
« Quand j'ai écrit ma Lady Macbeth, confia Nikolaï Leskov à un ami, mes nerfs irrités, ma solitude me menèrent presque jusqu'au délire. Ce furent des moments très pénibles que je ne pourrai jamais oublier. Depuis ce temps, j'évite la description de pareilles horreurs. » Écrite durant la journée du 26 novembre 1864, publiée quelques mois plus tard dans L'Époque – la revue de Dostoïevski – Lady Macbeth du district de Mzensk servit d'argument à Dmitri Chostakovitch et Alexander Preyers. Cette étude de caractère féminin régional (première d'une série de douze qui ne vit pas le jour) comporte des personnages grossiers et brutaux, typiques de l'Ancien Régime, dont les librettistes accentuèrent la caricature ; ils n'épargnèrent que l'héroïne, certes amorale, mais prisonnière d'un mariage forcé.
L'opéra en quatre actes (neuf scènes) fut créé le 22 janvier 1934 au Théâtre Maly de Leningrad. Il connut le succès, en Europe comme aux Etats-Unis, avant d'être attaqué en 1936 dans La Pravda. Interdit durant près de trente ans, il refit surface à Moscou en 1963, dans une version édulcorée et sous le titre Katerina Ismaïlova (Катерина Измайлова). Peu à peu nous est rendue la version originale de ce chef-d'œuvre…
Mis à part Anatoli Kotcherga (chanteur sans graves ni nuances, au jeu outré) dans le rôle du père, on saluera l'équipe présente, en mai 2002, au Gran Teatre del Liceu. Nadine Secunde (Katerina Ismaïlova) compose un personnage charismatique plein de sensibilité. La voix, saine et d'une belle couleur, est expressive tout en étant nuancée. Christopher Ventris (Sergeï) possède vaillance et présence. Mireille Capelle (Aksinia) est un beau mezzo, clair et drôle. Maxim Mikhaïlov, avec sa belle voix nuancée, incarne un Pope original, loin des gâteux traditionnels. Francisco Vas (Zinovi), Juha Kotilainen (chef de la Police) et Graham Clark (clochard) sont vocalement et dramatiquement à la hauteur du couple vedette. Enfin, Evgueni Nesterenko (vieux forçat) séduit par son chant mené avec une unité parfaite, une projection efficace et beaucoup d'expressivité. L'orchestre est précis et de plus en plus musclé ; Alexander Anissimov lui fait souligner les traits empruntés à Mahler.
Seul regret de cette production : la mise en scène fort critiquable de Stein Winge.
Avoir fait du lit de Katerina un objet omniprésent sur scène, dans toute la première partie, nous rappelle trop la nymphomanie classiquement associée à ce personnage. La jeune femme, nostalgique de sa jeunesse, est plus éprise de la liberté que lui apporte l'amour que du simple assouvissement des sens. La scène du mariage, celle du hangar du bagne sont fades, comme si Winge avait tout misé sur la surprise finale : l'étouffement de la rivale Sonietka à l'aide d'un sac plastique… Comme on attend la chute de Tosca dans le vide, Ismaïlova doit se jeter à l'eau, sinon, on sacrifie le final au profit d'une pirouette qui, intellectuellement et émotionnellement, n'apporte vraiment rien.
LB