Chroniques

par laurent bergnach

Dmitri Kourliandski
La musique objective (textes et entretiens)

À la ligne (2010) 130 pages
ISBN 978-2-913734-06-7
La musique objective (textes et entretiens avec Dmitri Kourliandski)

Né en 1976, Dmitri Kourliandski fait ses études au Conservatoire de Moscou et s'y perfectionne auprès de Leonid Bobylev – un des rares professeurs à n'avoir pas eu l'académisme de Khrennikov comme lait nourricier. En 2003, il est le premier Russe à remporter le Grand Prix du concours international Gaudeamus (Pays-Bas) avant de connaître plusieurs résidences d'artiste, auprès du Berliner Künstlerprogramm tout d'abord (2008) puis de l'Ensemble 2e2m (2010) à l'origine de cette publication bilingue. Nous y apprenons à mieux connaître ce flûtiste de formation qui, contrairement aux apparences, préfère aux voyages européens une vie casanière dans sa datcha en pleine forêt et s'engage de façons diverses (groupe de réflexion, revue) pour réveiller la vie musicale nationale.

Dans un pays qui a connu des mutations majeures – Tchernobyl préfigurant la chute du Mur de Berlin –, ce jeune héritier du conceptualisme admet développer un « constructivisme des catastrophes », une idée de musique objective où le son serait la conséquence du geste, à l'instar d'une œuvre de Tinguely qui gémit insidieusement. Le matériel d'un grand nombre de ses partitions – largement statiques et répétitives – doit beaucoup à « ces modifications aléatoires associées au jeu de l'interprète ». La génération précédente l'inspire particulièrement (Cage, Christou, Grisey, Mason, Nono, Scelsi), avec une tendresse pour la musique d'improvisation et le minimalisme à son âge d'or.

Outre quelques pages de sa main, on lira ici – avec des redites inévitables – les entretiens du créateur avec le chroniqueur Omer Corlaix, le musicologue Makis Solomos, les écrivains Jan Topolski et Dmitri Bavilski. En attendant de découvrir son opéra en gestation et, plus proches de nous, les concerts liés à sa résidence parisienne (18 mars et 6 mai 2010), n'hésitons pas à méditer cette sage pensée : « une œuvre est d'autant plus authentiquement musicale qu'elle s'intègre difficilement dans nos stéréotypes figés depuis longtemps ».

LB