Chroniques

par laurent bergnach

Doina Rotaru
pièces avec flûte

1 CD Stradivarius (2015)
STR 37034
Le flûtiste Mario Caroli joue sept pièces de la Roumaine Doina Rotaru (1951)

Née en 1951 à Bucarest, Doina Rotaru y étudie la composition à l’Université Nationale de Musique, entre 1970 et 1975. Une quinzaine d’années plus tard, elle perfectionne son art auprès de Theo Loevendie (né en 1930), compositeur et clarinettiste néerlandais connu depuis pour avoir fondé l’Ensemble Ziggurat qui combine instruments occidentaux et non-occidentaux. Aucun genre ne lui échappe puisqu’un catalogue de cent vingt pièces explore pages solistes ou orchestrales, avec électronique ou de théâtre. Jouée à travers le monde, souvent récompensée, la Roumaine enseigne désormais dans l’institution qui l’a formée.

Sur la page d’accueil de son site, la créatrice donne des pistes d’écoute sur son travail : « dans ma musique, j’ai utilisé des principes structurels de valeurs et fonctions symboliques – comme le cercle ou la spirale, les nombres sacrés, etc. Le symbole devient une idée de composition et cette idée engendre structures, temps musical, syntaxe, architecture et expressions de l’œuvre. J’aime aussi recourir à des éléments de la musique traditionnelle roumaine où presque chaque son est enrichi d’ornements, de glissandos, micro-tons, sons saturés et, bien sûr, hétérophonie. Cette musique ancienne est extrêmement nostalgique, créant une atmosphère mélancolique et un sentiment de beauté douloureuse » (traduction Laurent Bergnach).

Gravé entre août 2010 et mai 2011, ce programme avec flûte permet de retrouver Mario Caroli [lire notre entretien], lequel a déjà enregistré des opus de la musicienne découverte en 2006, lors des regrettés rendez-vous pédagogiques du Centre Acanthes (L’empreinte digitale ED 13232). Quatre des sept pièces sont pour soliste avec piccolo, flûte ou flûte en sol, où Byzance n’est jamais loin. Dragon-fly (2000) plaît dès les bourdonnements agiles et doux qui l’inaugurent, et Dor (1989) par une complexité au riche pouvoir évocateur. Mais séduisent surtout Cantus Austerus (2008), au caractère contemplatif, et Epistrophe (2009), incantatoire et poignant, marqués par l’usage de la voix de l’interprète.

Donnant son titre à l’album, Crystals (2002) joue avec les notions de transparence, dispersion et réflexion liées à la notion de lumière. Elle confronte la flûte vive ou plaintive à un piano aux cordes duquel Horia Maxim donne des échos de harpe, koto et cymbalum. Dans Japanese garden (2006), ce sont plusieurs instruments sur bande (didgeridoo, shō, shakuhachi, etc.) qui créent un jardin imaginaire que parcourent flûte basse et piccolo. Enfin, Salcia (2011), « saule pleureur » en roumain, déplore les victimes du tsunami nippon de 2011. La pièce gagne en puissance, notamment grâce aux quatre percussionnistes de l’ensemble Game, fondé en 1995 par le professeur Alexandru Matei, intervenant lui-même.

LB